Projet de loi 89, une jambette aux travailleurs syndiqués
Le projet de loi 89 du ministre du Travail, Jean Boulet, évoquant l’importance «d’éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité», a eu l’effet d’une bombe chez les travailleurs syndiqués. Dans le cadre de ce projet de loi, le ministre impose dorénavant des services essentiels dans pratiquement tous les secteurs d’emploi. De plus, il s’arroge le pouvoir de mettre fin aux conflits de travail alors qu’il dispose déjà de tous les leviers pour forcer les parties à régler les conflits et à y mettre fin.
De surcroît, le ministre est tout à fait conscient que la partie patronale n’aura pour ainsi dire plus d’intérêt à négocier de bonne foi avec les syndicats, sachant très bien qu’en bout de piste, un arbitrage sera imposé. Partant du principe que le ministre Boulé est de bonne foi dans ses intentions de protéger la population dans les cas de force majeure, force est de constater que l’éventai démesuré de secteurs qu’il souhaite mettre à l’abri d’un arrêt de travail dépasse les bornes du raisonnable. En bref, le projet de loi 89 n’incarne rien de moins qu’une loi spéciale tous azimuts dans un contexte économique d’instabilité lié aux tarifs douaniers imposés par notre voisin du Sud, lesquels conduiront inéluctablement à des mises à pied. Un bien mauvais timing, c’est le moins qu’on puisse dire.
Face à un climat aussi explosif dans le monde des travailleurs syndiqués et nonobstant le fait que le ministre du Travail cherche à minimiser les effets contraignants d’un arrêt de travail sur la qualité de vie de la population, je suis plutôt d’avis que Jean Boulé prenne en compte non seulement les revendications des travailleurs mais aussi la position des employeurs à l’égard des conditions de travail de leurs employés. Et ce n’est sûrement pas en confrontant aussi cavalièrement les travailleurs qu’il parviendra à créer un sain climat de travail.
Conséquemment, M. Boulé, vous auriez avantage à troquer la jambette par une invitation à la négociation bipartite essentielle à toute solution équitable à un conflit de travail…
vigile.quebec tribune libre 16 mas 2025