L’éternelle jeunesse

Les écrits de Gilles Vigneault n’avaient jamais été réunis sous une même bannière. Eh bien, ce sera chose faite avec la publication en quatre volumes de ses œuvres aux Éditions du Boréal, les deux premiers, qui sortent ce printemps, regroupant 352 chansons.

À 84 ans, Vigneault n’a pas envie de faire partie des meubles ni d’adopter une attitude passéiste : « C’est ben beau considérer ce qu’on a fait, mais il faut que ça serve à aller plus loin ». Ce grand « rapaillage » de ses textes de chansons, de sa poésie et de ses contes est pour lui « une occasion de bilan » à laquelle il ne peut pas échapper.

Le pays, la nature, l’amour, le temps qui passe, Vigneault a exploité tous ces thèmes dans ses chansons qui ont traversé le temps sans rien perdre de leur beauté à travers des agencements de mots recherchés et de leur mélodie souvent entraînante qu’on ne peut s’empêcher de fredonner. Mais c’est surtout le désir de raconter des histoires, entre autres, celles des gens de son village, qui l’a mené directement à l’écriture. Au bilan, il est par-dessus tout fier de cette considérable galerie de personnages, de Jos Montferrand à Zidor le prospecteur en passant par Tante Irène et Jos Hébert.

Des personnages qui respirent la soif de vivre, telle qu’exprimée par Vigneault à Jos Montferrand dans cet extrait de la chanson qui porte son nom :

« Le cul s’l’bord du Cap Diamant, les pieds dans l’eau du St-laurent J’ai jasé un p’tit bout d’temps avec l’eau pis le firmament. Là Jos m’a dit : « Mon p’tit garçon, Ah ! si t’apprends bien ta leçon Tu viendras qu’ça sera pas long à faire des pas de cent pieds d’long » J’ai dit : « Jos, faut qu’ça décolle parc’que j’viens d’sortir d’l’école Puis qu’par ici passé vingt ans t’es gréyé pour perdre ton temps, Ah t’es gréyé pour perdre ton temps »

« Faut qu’ça décolle »…Des paroles emplies d’un désir ardent de « faire des pas de cent pieds d’long ». À cet effet, j’aimerais vous citer les paroles de Vigneault sur sa foi inébranlable en notre jeunesse lors d’une rencontre avec une journaliste dans son local de création, à Saint-Placide, près d’Oka :

« La jeunesse, c’est un projet. Je regarde les jeunes du printemps érable, on les voit bouger dans la rue, à la une des journaux et partout ailleurs. Ce sont des projets immenses, j’ai même envie de dire, des projets pleins de projets. Moi, j’ai eu des années de débandade, il y avait trop de choses qui venaient trop vite, il y avait trop d’avenir, trop d’allant, il restait trop de chemin à faire. On avance au début à la course, puis on ralentit le pas et on réalise qu’il est bon de choisir et de faire une chose à la fois. »

Le « chansonnier qui aurait voulu être un poète » espère avoir quelquefois réussi à créer « un petit éclat de miroir à saisir »…eh bien, à mon avis, Vigneault nous a légué beaucoup plus qu’un petit éclat de miroir, c’est toute une mosaïque de poèmes finement ciselés qu’il nous invite, non seulement à contempler mais surtout à en saisir les messages.

vigile.net tribune libre 24 mars 2013
quebechebdo 24 mars 2013 "Vigneault, l'éternelle jeunesse"

Commentaire:

16 juillet 2010 | Nestor Turcotte – Matane |

"Il est grand parce qu'il est humble. Il est le très haut parce qu'il est le très bas. Il est beau parce que c'est beau par en dedans. Il est le géant entre tous parce qu'il se sait petit parmi les siens. Il choisit ses mots pour parler et chante pour les faire danser. Il gesticule pour expliquer et il sourit pour rassurer. Il est debout dans l'azur bleu et il s'élève pour emporter le coeur de chacun par en avant. Il a le regard de jeunesse comme pour faire oublier sa vieillesse. Il embrasse le temps qui passe et il le tire par en avant.

Il est unique. Il est ce qu'il est, sans fard, sans artifice. Il est le
fruit du mûrissement. Du long silence qui trace les chemins non encore empruntés. Il a le coeur à l'ouvrage. Tendu vers on ne sait quel rivage. L'horizon est son terrain d'apprentissage ; la terre, son labour quotidien; le Québec, son pays rêvé. Il ne craint pas de le dire. Il le chante ; il le crie ; il le répète comme un refrain appris sur les vagues de sa terre perdue aux multiples visages. Il est assurance, rocher, phare et guide endiablé. Il est monument vivant, geste mesuré, poésie chantée.

Jeunesse du coeur 

Il vient de la mer. Il vient du large. Il connaît le vent, la tempête, les soucis, les ancrages. Il se sait matelot, conquérant, fils des grands bois, des matins sans nuages comme des bourrasques de vent venues d'un lointain paysage. Il a sur son visage les traits d'un grand sage. Il a dans son regard des attentes encore à l'état sauvage ; il a la jeunesse des coeurs nouveaux, la tendresse de l'enfant qui tend les bras, les flots des mots mesurés et la cadence apprise au contact des grands maîtres maintes fois
fréquentés.

Il chante ses chansons comme des poèmes à réciter et il chante ses poèmes comme des chansons à répéter. Il parle de ses hivers trop longs, des étés trop courts, des soirées à danser à la maison. Il parle des hommes et des femmes de chez lui qu'il nomme par leur nom ; il cause sur les perrons d'église et en fait une chanson. Il est dans le réel. Il a le goût de fonder. Il a, au bout de lui-même, la main tendue de la liberté. Il attend de ceux qui l'écoutent la chaîne de l'amitié. Il attend d'être confirmé.

L'homme est un tout. Il est de la mer, de la terre et du ciel. Il est du dedans et du dehors. Il est en dedans ce que l'on voit dehors. Il est au dehors ce qui est par dedans. C'est pourquoi il est l'homme éternel."

vigile.net tribune libre 24 mars 2013 

  

Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Accéder à la page de connection.
Créer un compte sur henrimarineau.com.