Les réseaux sociaux, des bombes à retardement
Selon Statistique Canada, pour l’année 2019, la ville de Québec affiche le quatrième taux le plus élevé au pays par 100 000 habitants eu égard aux crimes haineux, un phénomène qui découle, selon le maire de la Capitale nationale, Régis Labeaume, de la mouvance conspirationniste et complotiste. Soit!
Toutefois si nous poussons plus à fond la réflexion sur l’accroissement des crimes haineux, je suis d’avis que l’ambiance de « bars ouverts » qui règne sur les réseaux sociaux contribue fortement à attiser les tensions entre certains « autodidactes proclamés », des tensions qui peuvent dégénérer en violence verbale et ultimement, à commettre l’irréparable.
À titre d’exemple de dérapage récent lié aux médias sociaux, on peut citer cet événement où quelques « maîtres à penser autodésignés » se sont littéralement insurgés sur les médias sociaux contre le fait que le premier ministre Legault avait placé sur sa liste de livres un ouvrage du « méchant » Mathieu Bock-Côté qui ose afficher sa position sur le racisme systémique. Une attaque en règle contre la liberté d’expression, une pierre angulaire de l’essence même de la littérature.
Toutefois, le cas le plus dramatique qui s’est produit ici au Québec depuis mars 2020 réside dans un mouvement de complotistes et de conspirationnistes qui colportent sur les médias sociaux toutes sortes d’idées toutes plus saugrenues et farfelues les unes que les autres pour justifier leur délinquance par la non-application des mesures sanitaires fixées par la Santé publique pour lutter contre la COVID-19.
Par ailleurs, le 23 septembre dernier, une enseignante d’histoire à l’Université d’Ottawa, Verushka Lieutenant-Duval, a employé dans le cadre d’un cours en ligne le « mot en N », son intention étant d’expliquer à ses élèves que certaines communautés s’étaient réapproprié des termes, comme le mot commençant par la lettre « N ». L’enseignante a été suspendue quelques jours, à la suite d'une plainte d'une étudiante à ce sujet via les médias sociaux. Cette suspension a créé un vif débat quant à l’utilisation du mot tabou entre les murs universitaires. Une lettre signée par 34 professeurs de l’Université d’Ottawa, exprimant leur désaccord au traitement de Mme Lieutenant-Duval et publiée dans divers médias, a précisé que l’université demeurait « un lieu de débats, un lieu, aussi, d’exploration des réalités de l’histoire ». L’enseignante a finalement été réintégrée dans ses fonctions.
Enfin, de l’autre côté de l’Atlantique, plus précisément en France, le lundi 5 octobre, un professeur d'histoire-géographie donne un cours sur la liberté d'expression à ses élèves. Pour illustrer son propos, il décide de montrer des caricatures de Mahomet. Il aurait demandé à ceux qui le souhaitaient de sortir si cela les dérangeait. Le jeudi 8 octobre, le père d'une élève du collège, qui ne fréquentait même pas la classe de l’enseignant en question, décide de porter plainte contre le professeur. Il poste également une vidéo sur les réseaux sociaux pour interpeller sur l'attitude du professeur. Le vendredi 16 octobre, un jeune homme de 18 ans attaque le professeur avec un couteau et le décapite sur-le-champ.
Je ne prétends pas connaître la solution à ce phénomène malsain, voire pernicieux, qui émane souvent des médias sociaux. Néanmoins, ce que je sais, c’est que, aussi longtemps que les violences verbales et les attaques personnelles envahiront les réseaux sociaux, ils demeureront de facto des bombes à retardement!
vigile.quebec tribune libre 4 décembre 2020