La parole aux enseignants

La réforme scolaire n'a pratiquement servi à rien, selon 427 enseignants du primaire et du secondaire interrogés dans le cadre d'une recherche menée au début 2012 à l'Université Laval par les chercheurs Jean-François Cardin et Érick Falardeau.

Résultats : une forte majorité d'enseignants ne croient pas que la réforme a permis aux élèves de mieux apprendre (69 %), de mieux réussir (72 %), d'être plus motivés (69 %), plus outillés (58 %), plus disciplinés (88 %) ou plus autonomes (69 %). Pour éviter tout biais négatif, les chercheurs ont même pris la peine de formuler de façon positive les énoncés soumis aux enseignants, qui ont toutefois été loin d'y acquiescer. En ce qui a trait aux enseignants du secondaire, ils sont particulièrement sévères envers la réforme, puisqu'ils sont en désaccord avec les affirmations précédentes dans une proportion qui dépasse souvent les 80 %.

«Ce sont des données très fortes pour nous. La différence avec le secondaire est hyper marquée», souligne M. Falardeau. Les chercheurs n'y voient toutefois rien d'étonnant puisque au départ, le renouveau pédagogique a été davantage conçu pour le primaire, où l'organisation de la classe permet davantage de flexibilité.

En ce qui a trait aux élèves en difficulté, qui étaient au coeur de cette réforme ayant pour objectif de réduire le décrochage scolaire, le verdict des enseignants est tout aussi sévère puisque 81 % d’entre eux ne considèrent pas que les élèves faibles deviennent forts ou s'améliorent depuis l'arrivée de la réforme, et 83 % croient plutôt que les élèves faibles continuent de l'être.

Les enseignants ne croient pas non plus que l'intégration des élèves en difficulté dans les classes régulières a été un succès. Au contraire, 75 % considèrent que cette intégration a fait fuir les élèves plus forts vers le réseau privé ou les programmes d'éducation internationale du réseau public (83 %), alors que 68 % estiment que cette intégration n'a pas permis aux élèves faibles de s'améliorer.

Concernant la maîtrise du français, les réponses ne sont guère plus reluisantes. Les enseignants interrogés considèrent que depuis la réforme, les élèves ne maîtrisent pas mieux la lecture (66 %), l'orthographe et la grammaire (77 %) de même que l'écriture (58 %). Seule note positive au tableau, 61 % des profs estiment que les élèves sont meilleurs en communication orale.

À la lumière des résultats pour le moins « inquiétants » qui ressortent de cette recherche, ajoutés à toutes les données antérieures qui ont été publiées depuis plus des quelque dix années qui ont donné naissance à la réforme scolaire, je me demande sérieusement si les « penseurs » du ministère et la ministre ne devraient pas s’asseoir avec des enseignants qui ont vécu, voire survécu, cette « supposée réforme », qui devait être la panacée aux problèmes de nos élèves, pour remettre les pendules à l’heure, à savoir mettre sur pied une approche pédagogique qui favorise prioritairement l’acquisition des connaissances, objectif qui demeure toujours, à mon sens, le but premier de l’école.

quebechebdo 19 mars 2012
vigile.net tribune libre 19 mars 2013

Commentaire:

"Monsieur Marineau,

J'enseigne le français et la littérature dans un cégep des Basses
Laurentides dont le département de français compte près de 60 professeurs. Nous sommes unanimes, tous âges confondus, à penser comme les enseignants du secondaire dont vous parlez dans Vigile (La parole aux enseignants). Nous constatons le résultat véritablement catastrophique de l'enseignement au secondaire depuis au moins cinq ou six ans : pratiquement aucune connaissance, même minimale, de la littérature; carences nombreuses en syntaxe et en grammaire; vocabulaire limité et, quant à l'expression de concepts, carrément déficient voire nul.  Sous la pression du MELS, nous bricolons cours de rattrapage après cours de mise à niveau, comme si l'on pouvait, en 60 heures, compenser ce qui n'a pas été fait en onze ans d'école.  Bref, le système s'amuse à pelleter par en avant, et encore, à la cuillère.  Encore un pas et il faudra un bac pour pour obtenir l'équivalent d'un DEC.  La situation n'est d'ailleurs pas meilleure en histoire, en géographie et même, paraît-il, en sciences, mais je n'ai pas vérifié quant à ce dernier point.

Forcément, sauf à causer un scandale, nos exigences rétrécissent quelque peu, et même beaucoup, au lavage…  La véritable solution consisterait justement à le provoquer, ce scandale, et ainsi engager un bras de fer avec le MELS, mais la plupart des enseignants et, surtout, les gestionnaires des cégeps, du primaire et du secondaires sont aussi peu contestataires que possible.  S'adresser au public par la voie des journaux? Nous sommes quelques-uns à avoir tenté l'aventure depuis l'adoption de l'approche par compétences (1993) et de la pédagogie du savoir-faire au détriment du savoir d'abord: même le sacro-saint Devoir a presque toujours refusé de publier nos doléances, même documentées, fussent-elles signées par plusieurs dizaines d'enseignants : il ne faut pas mettre en doute la doxa
(idem pour l'actualité économique, militaire et politique internationale)." 

Raymond Poulin
19 mars 2013

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