La dignité des travailleurs
Aux lendemains du décès de Michel Chartrand en 2010, les reportages, articles et commentaires ont envahi les médias du Québec. De toutes ces réactions, une constante se manifestait : le bouillant militant symbolisait pour des milliers de Québécois le syndicaliste, l'homme qui disait tout haut ce que plusieurs n'osaient même pas penser.
Orateur hors du commun, remarquable de présence et de charisme, Michel Chartrand incarnait une tradition syndicale et socialiste :
«Je suis socialiste, nationaliste et indépendantiste parce que je crois en la démocratie: le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Je crois à l'égalité de toutes les femmes et de tous les hommes, parce que je crois en la justice, parce que je crois en la liberté à conquérir quotidiennement. Je crois que chacune et chacun doit être en mesure de participer aux décisions et d'assurer des responsabilités à son niveau», avait-il déclaré en entrevue.
Fernand Foisy, compagnon de route de Chartrand pendant plus de 35 ans, a rédigé la biographie du syndicaliste en quatre tomes. Il y décrit le parcours de son héros de 1968 jusqu'à 2003 en se disant témoin privilégié de ces moments passés à ses côtés :
«Autant il peut être difficile, parfois bougon ou colérique, autant sa disponibilité et sa générosité nous font oublier ses travers. Les petites gens, le monde ordinaire ont une admiration secrète pour Michel Chartrand. Je dis «secrète» car ils n'osent pas toujours clamer cette admiration de peur d'endosser ses excès verbaux et son langage sans détour», a-t-il indiqué dans une entrevue accordée à La Presse en 2003.
Michel Chartrand se sera retrouvé au centre d’événements marquants du Québec, telle son arrestation durant la crise d'octobre 1970 en vertu de la Loi sur les mesures de guerre lors de laquelle il a été emprisonné pendant quatre mois. Michel Chartrand a été 60 ans aux mêmes barricades. Père de sept enfants, forgés aux mêmes idéaux par lui bien sûr, mais aussi et peut-être surtout par sa femme Simone, aussi militante que lui, à sa façon, et qui fut la seule qui ait pu lui tenir tête tout en l'épaulant constamment pendant un demi-siècle.
«Par moments, l'implication de mes parents nous rendait la vie difficile, mais cela n'a jamais été lourd à porter. Au contraire, nous avons toujours été très fiers d'eux…Je devais avoir 5 ou 6 ans la première fois que j'ai entendu à Radio-Canada que Maurice Duplessis avait fait emprisonner mon père. Ce n'est jamais facile d'aller voir son père en prison, mais nous, ses enfants, savions pourquoi il était là. Nous savions que c'était une profonde injustice », racontait sa fille Suzanne lors d’une entrevue réalisée après le décès de son père.
La pensée de Michel Chartrand, il était le premier à le reconnaître, ne se distinguait pas par sa subtilité ou sa finesse. Il fut l'homme d'une cause: la dignité des travailleurs. À Anne Richer, qui l'avait interviewé chez lui, à Saint-Marc-sur-Richelieu, quelques années avant sa mort, il avait déclaré que «tout le monde devrait faire de la politique. En démocratie, c'est un devoir. Assumer des responsabilités à son niveau, voir à ce que le monde s'épanouisse. On est nés pour le bonheur, quel que soit notre handicap physique ou mental, quels que soient nos parents ou nos gênes. Et pour le bonheur, il faut un minimum: manger, se faire soigner, s'éduquer. Pis travailler. On s'épanouit par le travail!»
De nos jours, des centaines de milliers de citoyens « indignés » se soulèvent contre les politiques néo-libérales de droite, les étudiants représentant les derniers en liste…Peut-être aurions-nous avantage à nous rappeler les discours sans détour de Michel Chartrand et recommencer à parler de «dignité»!
quebechebdo 22 mars 2012
vigile.net tribune libre 22 mars 2012
Commentaire:
"Monsieur Marineau,
Comme vous avez raison de nous rappeler à la mémoire de Michel Chartrand, spécialement aujourd'hui. Dans toute son humilité et son bouillant caractère, il fut un exceptionnel et un remarquable patriote québécois de son époque.
Michel Chartrand est une légende, un homme d'une implication remarquable pour ses semblables et un homme à qui le peuple français du Québec doit aujourd'hui sa survivance. Ce monsieur m'a fortement influencé dans ma jeunesse et ouvert les yeux sur notre condition réelle au sein d'un Canada qui nous méprise.
Peu de canadiens-français de son époque peuvent égaler le bien que cette homme nous a fait et nous a apporté. Son implication fut telle qu'il a su freiner, par ses déclarations, les magouilles politiques d'un système judiciaire qui pensait pouvoir le faire taire et nous assujettir facilement.
Michel Chatrand fut un exemple de courage, d'honnêteté, de clarté dans ses propos et de justice. Il restera à jamais un géant défenseur des siens qu'il aimait, de vous et de moi, de tout le peuple d'origine française, fondateur et bâtisseur du Québec depuis plus de 400 ans.
Aurons-nous d'autres patriotes semblables à Michel Chartrand, à Pierre Falardeau et à Pierre Bourgault parmi notre nation en voie de devenir de serviles automates anglophones ?
Vous me faites vivre beaucoup d'émotions avec ce rappel. Merci d'honorer la mémoire de Michel Chartrand!"
Réjean Pelletier
vigile.net tribune libre 22 mars 2012