Vivre avec le cancer
Comme la plupart des gens que je qualifierais d’ordinaire, je me suis toujours dit que le cancer n’arrivait qu’aux autres… jusqu’au jour où le diagnostic est tombé. Une masse d’environ 5 cm s’était développée sur mon poumon droit. Le 1er mars 2021, on m’a pratiqué une lobectomie car il était impossible d’enlever seulement la tumeur.
Certes, le sujet sort de l’ordinaire. Enfin, que je me suis dit, des centaines de millions de personnes ont reçu ou recevront au cours de leur vie un diagnostic de cancer. Certaines en guériront, d’autres malheureusement en mourront. Dans mon cas, j’ai reçu un diagnostic de cancer de stade 4 incurable le 21 février 2022.
Faire face à la réalité
Après un an sans aucun signe de mon premier cancer, j’avais espoir qu’il avait quitté mon corps à jamais. Mais le monstre en a décidé autrement. Il récidive avec encore davantage d’agressivité. Il vient chambouler toute ma vie, ma quiétude et ma sérénité. La fatale réalité m’a soudainement rattrapé et ramené mon espérance de vie entre 18 et 24 mois grâce aux traitements en immunothérapie qui ont pour effet de renforcer mon système immunitaire.
Cette réalité de la mort que nous fuyons toute notre vie fait maintenant partie de mon quotidien. Et je n’ai d’autre choix que de l’apprivoiser, de continuer à vivre avec elle sans qu’elle n’accapare toutes mes pensées. Car la vie m’offre encore de magnifiques moments de joie et de bonheur compte tenu que mon corps réagit très bien aux traitements et que je n’éprouve aucun effet secondaire.
Savourer le moment présent
Le passé ne m’appartient plus et le futur ne m’appartient pas. Seul le présent m’appartient et c’est avec lui que j’ai décidé de continuer ma vie, entouré de mes proches. J’aime me rappeler que les marées basses de notre vie nous invitent à marcher à la recherche de coquillages, ces merveilles de la mer si convoitées par les enfants.
Malgré les moments pénibles que l’avenir me réserve le jour où mes forces s’effriteront et que mon esprit s’égarera de plus en plus souvent, je conserve encore en moi le goût de mordre dans la vie à l’image des oiseaux qui ne semblent pas préoccupés par demain, ou du sourire d’un enfant qui fait ses premiers pas et qui nous enseigne qu’il faut aller de l’avant avec confiance.
Aide médicale à mourir
J’ai livré plusieurs batailles au cours de ma vie professionnelle et, lorsque je m’engageais dans une bataille, c’était parce que je croyais que j’avais une chance de la gagner. Or, aujourd’hui, je suis devant un adversaire invincible, un cancer de stade 4 incurable. Aussi a-je décidé de lui concéder la victoire avant de me lancer inutilement dans un combat impossible à gagner.
En prenant la décision de demander l’aide médicale à mourir lorsque la vie ne m’apportera que souffrances, je pense d’abord à mon épouse et à mes deux filles à qui je désire éviter des moments de tristesse et de douleurs qu’elles n’ont aucune raison de supporter. Ainsi, elles garderont de moi le souvenir d’un époux et d’un père qui a choisi de mourir près d’elles dans la dignité.