Le juge Rouleau donne raison à Trudeau « à contrecoeur »

19 février 2023

Dans un imposant document de plus de 3200 pages tenant sur cinq volumes, le fruit de la comparution de 76 témoins parmi lesquels des policiers, des manifestants, des fonctionnaires et des politiciens municipaux et fédéraux, puis toute une série d’experts, le juge Paul Rouleau approuve l’invocation des mesures d’urgence par le fédéral pour mettre fin au Convoi de la liberté en 2022 à « contrecoeur », en soulignant que ce dérapage aurait pu être évité.

Parmi les écueils cités par le juge se trouve un manque de coordination inacceptable des forces de l’ordre, notamment de la police de Toronto qui n’a démontré aucune visibilité au cours du conflit.

Sur le plan politique, deux incidents ont retenu l’attention du Juge Rouleau, à savoir le refus de témoigner du premier ministre Ontarien, Doug Ford, alors que la crise faisait rage dans sa propre province, et les paroles provocatrices de Justin Trudeau qui a qui a qualifié les manifestants de « petite minorité marginale », un manque élémentaire de diplomatie qui à eu l’heur de jeter de l’huile sur le feu qui était déjà ardent… nonobstant les excuses mielleuses du principal intéressé un an plus tard!

Le commissaire Rouleau croit que ce dérapage est la conséquence d’une « incapacité à prévoir un tel moment ». Il croit qu’une meilleure collaboration entre les ordres de gouvernement fédéral, provincial et municipal, aurait permis d’éviter le débordement. À cet effet, le juge fait sienne la déclaration d’une experte qui a qualifié l’affaire d’« échec du fédéralisme ».

Dans toute cette saga, bien que les forces policières aient leur part de responsabilité, je suis d’avis que le politique aurait fait preuve de clairvoyance et de coordination en prêtant main forte aux forces de l’ordre en établissant un dialogue constructif avec les manifestants.

vigile.quebec tribune libre 17 février 2023l

Christian Dubé s’en va t’en guerre

19 février 2023

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, se donne un défi titanesque, à savoir un objectif de trois ans pour interdire aux établissements de santé de faire appel aux agences privées.

En présentant son projet de loi 10, le ministre argue que « Québec veut se libérer de ce cercle vicieux où les hôpitaux, CHSLD et autres paient le fort prix pour combler des quarts de travail avec des infirmières, préposés aux bénéficiaires et auxiliaires familiales fournies par le privé ».

Toutefois, le plan du ministre est basé surtout sur le succès de sa collègue Sonia Lebel dans la renégociation des conventions collectives en cours, et les premières offres du gouvernement d’offrir 9% d’augmentation salariale sur 5 ans n’ont pas de quoi susciter un retour massif au public. Pour inciter les quelque 11 278 « équivalents temps complet » du privé dont 2 894 infirmières, à revenir dans le réseau, la présidente du Conseil du trésor devra bonifier les conditions de travail notamment l’abolition du temps supplémentaire obligatoire.

Actuellement, 20 000 employés quittent le réseau chaque année, la plupart pour intégrer le réseau des agences privées. Qu’à cela ne tienne, le ministère de la Santé estime qu’il aura besoin d’attirer environ 120 000 travailleurs dans le réseau dans les cinq prochaines années. 

En résumé, le personnel soignant qui a quitté le réseau public pour rejoindre le réseau privé bénéficie de meilleures conditions de travail et salariales. À mon sens, il faudrait que l’offre du gouvernement à la table de négociation soit similaire aux conditions des agences de santé, à défaut de quoi le ministre Christian Dubé risque de revenir bredouille de sa croisade!

vigile.quebec tribune libre 17 février 2023
Le Soleil (version numérique) 18 février 2023

Les initiations barbares

16 février 2023

Le phénomène des initiations dans le hockey junior canadien existe depuis des décennies. On se doutait bien qu’il se passait des incidents « bizarres » mais jamais personne n’aurait pu s’imaginer que ces séances d’initiation pouvaient dégénérer en des scènes d’une telle barbarie auprès des jeunes recrues mineures.

À titre d’exemples, des bâtons de hockey insérés dans l’anus, des mutilations de parties génitales, des victimes aspergées d’urine ou forcées de se lancer des excréments ainsi que des séances répétées d’humiliation. Des gestes inhumains qui, pour plusieurs, ont hanté leur vie adulte.

« Je me suis fait sauter dessus dans le vestiaire. Ils m’ont jeté sur une table, sur le dos. Ils m’ont bandé les yeux. Je pouvais les sentir uriner sur moi. Ils ont attaché une corde autour de mon pénis, l’ont jetée par-dessus une barre au-dessus de moi et ont attaché un sac de rondelles de l’autre côté. Ils ont jeté des rondelles dans le sac, qui devenait de plus en plus lourd. C’était très douloureux », a partagé une victime en cour.

Or, certaines de ces séances d’initiations ont été encouragées ou négligées ou tolérées ou camouflés, de manière lâche et irresponsable, par des joueurs, entraîneurs ou gestionnaires d’équipes juniors canadiennes.

Du côté de la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, elle demande expressément la fin de telles pratiques d’initiation. « Ça n’a pas d’allure, ces situations-là, c’est carrément de l’abus, c’est de la maltraitance. Je ne comprends pas qu’il y a des adultes qui ont été témoins de ça et qui ont laissé ces événements-là se produire ».

À mon sens, dans un premier temps, les adultes supposément responsables qui ont baissé les yeux devant ces attaques d’une barbarie innommable doivent être tenus imputables et punis de quelque façon. Enfin, un cadre rigide doit être mis sur pied par les directeurs généraux des ligues de hockey junior concernées énumérant les critères acceptables pour tenir une initiation.

vigile.quebec tribune libre 15 février 2023

L’appel aux Québécois de François Legault

16 février 2023

Lors de la dernière campagne électorale, François Legault a demandé un mandat fort aux Québécois. Ils lui ont accordé sur un plateau d’argent, la CAQ faisant élire 90 députés sur une possibilité de 125. Et pourtant, que ce soit dans le dossier de l’immigration ou des transferts en santé, force est de constater que le « mandat fort » du premier ministre n’a pas atteint les résultats escomptés.

Or, au lieu d’avouer qu’il a échoué à convaincre Justin Trudeau d’accepter d’accorder aux provinces et aux territoires 35% de l’enveloppe des soins de santé, il se rabat sur les Québécois en alléguant son incapacité à convaincre l’opinion publique à augmenter la contribution du fédéral aux soins de santé.

« Tant que les Québécois ne vont pas en faire une priorité, de demander au gouvernement fédéral d’augmenter son financement de la santé, ce sera difficile de mettre une pression politique sur Justin Trudeau », a déclaré François Legault.

En d’autres termes, le premier ministre désire mobiliser les Québécois pour agir comme intermédiaires entre lui et Ottawa dans le but d’augmenter son pouvoir de négociation avec le fédéral. Mais là où le bât blesse, c’est que ce sont ces mêmes Québécois qui ont accordé à François Legault un mandat fort pour aller négocier avec Ottawa. En réalité, François Legault lance la balle dans le camp des Québécois… Plutôt cheap comme stratégie!

vigile.quebec tribune libre 15 février 2023

Le nivellement systémique par le bas

15 février 2023

Il faut lire «L’obsolescence de l’homme» du philosophe allemand Günther Anders paru en 1956 dans lequel l’auteur décrit, de façon prémonitoire, l’influence désastreuse des médias sociaux qui contribuent sans vergogne au nivellement systémique par le bas de la société.

En voici un extrait percutant :

"Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau et la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.

Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste… que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissants, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif.

On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s'interroger, penser, réfléchir.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté ».

vigile.quebec tribune libre 14 février 2023
 

L’écriture comme moyen d’évasion

13 février 2023

Notre société nous propulse dans un monde où le temps présent n’existe plus. Nous vivons dans une société de performance à la recherche de notre mieux-être. Pour survivre, nous devons suivre ce rythme de vie à défaut de quoi, quelqu’un d’autre nous dépassera. Et, pendant que nous nous essoufflons à courir après le temps, les années passent à notre insu et un jour, nous sommes surpris de constater comme le temps a passé vite.

Et pourtant, il existe une foule de moyens de se donner le droit de décompresser et de s’évader de ce monde en folie. Que ce soit la lecture, l’activité physique, les exercices de relaxation, une partie de pêche, une journée de plein air, etc…

En ce qui me concerne, c’est l’écriture qui me permet d’entrer dans ma bulle et de permettre au temps de s’arrêter. Mes écritures sont ma sève productrice. Ainsi, lorsque je suis attiré par un sujet qui m’« allume », et que je m’installe devant mon clavier, j’entre dans un nouveau monde, celui de la page blanche.

Puis soudain, les mots devancent mes pensées, et mes doigts se promènent sur les touches de mon clavier sans que je n’exerce aucun contrôle sur eux. Parfois, je m’arrête pour me relire, corriger quelques erreurs ou changer un mot pour un autre. Puis, le train de mes idées reprend son erre d’aller, ne sachant pas vraiment où il me conduira.

Le texte germe petit à petit. Je le vois prendre vie. Les idées s’enchaînent telles les mailles d’un tricot entre les mains de l’artisane. La fin approche. Quelques mots et je pourrai poser le point final. Encore une fois, l’écriture m’aura permis de m’enfermer dans ma bulle, et de vivre le temps présent isolé d’un monde débridé.

vigile.quebec tribune libre 12 février 2023
 

François Legault, le chef des compromis

13 février 2023

La dernière offre pour le moins insultante, voire dénigrante, de Justin Trudeau eu égard aux transferts en santé aux provinces et aux territoires, à savoir 46,8 milliards d’argent neuf sur 10 ans, aurait dû, à mon sens, suscité la colère de François Legault, Or, tel un petit mouton dans la bergerie fédéraliste, il s’est contenté de déclarer que « c’était mieux que rien ».

Par ailleurs,depuis le début de son premier mandat en 2018, et celui de son deuxième mandat en 2022, François Legault ne cesse de clamer à hauts cris qu’il dirige en gouvernement nationaliste. Et, particulièrement depuis le scrutin de 2022, fort d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale avec 90 députés élus, le premier ministre du Québec se targue d’avoir la marge de manœuvre nécessaire pour négocier de nouveaux pouvoirs avec Ottawa.

Et pourtant, quand vient le temps d’utiliser sa « marge de manœuvre » devant Justin Trudeau, elle fond comme neige au soleil devant un François Legault compréhensif, voire aplaventriste qui a enfoui son nationalisme dans sa petite poche tout en s’assurant qu’il ne dépasse pas. À tel point que je me demande s’il n’aura pas cette attitude de perdant lorsque viendra le temps de défendre les projets de loi 21 et 96, lorsqu’ils seront attaqués par Justin Trudeau et l’appareil judiciaire.

François Legault n’est pas un batailleur de nature. Il est plutôt un adepte du compromis sans chicane alors que son rival est un boxeur qui a hérité de plus de la combativité de son père. Quoi qu’il en soit, le chef de la CAQ devra sortir de sa léthargie systémique et fourbir ses armes dans les dossiers de la défense de la langue française et de la la laïcité de l’état du Québec à défaut de quoi il sera mûr pour un départ vers Ottawa.

vigile.quebec tribune libre 12 février 2023
 

Marc Garneau, l’ex-astronaute déchu

12 février 2023

Le député de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, Marc Garneau, a longtemps bénéficié d’un aura relié, en grande partie, aux exploits réalisés à la Nasa en tant que célèbre astronaute. Or, depuis le dernier remaniement ministériel de Justin Trudeau, il s’est vu rayé de la liste des ministres et relayé à un statut de « simple » député.

Par ailleurs, à Ottawa, un comité parlementaire étudie le projet de loi visant une refonte de la Loi sur les langues officielles. Or, trois députés libéraux, qui ne sont pas des membres officiels de ce comité, se sont immiscés dans les travaux du dit comité en y allant de commentaires sévères, voire cinglants.

Et parmi eux, se trouve Marc Garneau, un francophone de naissance, qui, s’investissant comme porte- étendard de la minorité anglophone au Québec, s’est insurgé, en anglais seulement, contre le fait que le projet fédéral mentionne tout simplement l’existence de la Charte de la langue française. Une attitude bassement partisane qui n’a pour but que de protéger sa base anglophone.

Toutefois, je m’interroge sur les motifs qui ont poussé Marc Garneau à entreprendre une telle croisade contre des députés de son propre parti, et j’en arrive à la conclusion qu’il pressent un effritement du leadership de Justin Trudeau, un constat qui l’amène à le contester sans coup férir.

vigile.quebec tribune libre 10 février 2023

Où est passé le rapport de force de François Legault?

12 février 2023

Aux lendemains du dernier scrutin qui a vu la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault remporter une majorité écrasante en balayant 90 des 125 circonscriptions, le premier ministre élu s’est tout de suite targué qu’il détenait maintenant une majorité assez forte pour offrir un rapport de force contre Ottawa.

Or, le conte fée s’est vite métamorphosé en cauchemar notamment au sujet de l’immigration, Enfin, la proposition de Justin Trudeau, qui semble être sans appel, eu égard aux transferts en santé, sème des graines dans les réseaux de la santé des provinces et des territoires, y compris bien sûr, dans celui du Québec.

Toutefois, là où le bât blesse avec le plus d’incompréhension, c’est le ton « réservé » avec lequel M. Legault a accueilli la proposition de Justin Trudeau. En effet, au lieu de riposter fermement contre les grenailles accordées au réseau de la santé, il s’est montré plutôt résilient en affirmant que « c’était mieux que rien » tout en alléguant timidement qu’il allait discuter des suites à donner avec le « front commun » des premiers ministres des autres provinces et territoires.

Bref, j’ai l’impression d’assister à une capitulation de François Legault devant la rigidité inflexible de Justin Trudeau. En fait, il est bien loin le rêve du premier ministre du Québec de pouvoir entamer des négociations avec Ottawa avec, à ses côtés, une armée de députés caquistes.

Enfin, je crois qu’il connaît très bien la voie à emprunter pour arriver à ses fins, ayant été un fervent indépendantiste dans une autre vie. Il était de notoriété connue que François Legault était un fédéraliste tiède. Aujourd’hui, il donne l’impression d’être devenu un fédéraliste blasé… Quelle sera la prochaine étape?

vigile.quebec tribune libre 10 février 2023

La saga des transferts en santé

10 février 2023

Un autre chapitre de l’interminable saga sur les transferts en santé aux provinces et aux territoires vient de s’écrire. Le gouvernement fédéral propose d’augmenter sa part de transferts en santé aux provinces et territoires de 5 %, pour un total de 196,1 milliards de dollars étalé sur dix ans.

Toutefois, ce montant comprend une somme de 46,8 milliards en argent neuf sur dix ans, le reste étant constitué de sommes déjà engagées antérieurement. Selon la proportionnalité populationnelle, le Québec touchera environ 10 milliards toujours sur 10 ans du 46.8 milliards, soit 1 milliard par année. Or, l’enveloppe budgétaire accordée au MSSS dans l’ensemble du budget annuel du Québec représente quelque 45 milliards. En termes clairs, la participation du fédéral pour les transferts en santé au Québec est de 1 milliard d’argent neuf pour des dépenses de 45 milliards. Toutefois, la « bonne nouvelle », c’est que ces montants ne sont associés à aucune condition.

Par ailleurs, un autre montant de 25 milliards sur dix ans est assigné à des ententes bilatérales avec une province, ces ententes étant toutefois soumises à des conditions. Enfin, pour en finir avec les chiffres, alors que les provinces et territoires demandaient de faire passer de 22% à 35% la part du fédéral dans les soins de santé, la nouvelle offre maintient tout juste une participation de 22%.

Mais quel argumentaire a pu guider le gouvernement fédéral pour en arriver à un tel résultat? À ce sujet, je suis d’avis que le gouvernement fédéral, en concédant de ne pas imposer de conditions aux transferts en santé a, par un effet boomerang, coupé sur les sommes accordées aux provinces et territoires sur lesquelles il n’aurait eu aucun contrôle.

Aux yeux de François Legault, c’est une offre nettement insuffisante pour répondre aux besoins en soins de santé au Québec. Du côté de Doug Ford, « C’est un point de départ (… ) Je vois le verre à moitié plein. On va avoir beaucoup de questions en lien avec cette offre ». Quant à la question de savoir si l’offre de Justin Trudeau est figée dans le roc, j’ai l’impression qu’elle ne bougera pas beaucoup…si elle bouge!

vigile.quebec tribune libre 9 février 2023