Trouble du déficit de l’attention: identifier d’abord les causes

10 octobre 2022

Je me souviens, lorsque j’étais élève au primaire, de certains de mes camarades de classe dont l’attention laissait pour le moins à désirer, plus intéressés qu’ils étaient à perturber le groupe-classe qu’à suivre les explications de l’enseignant qui tentait tant bien que mal de ramener les dissidents à l’ordre.

Plus tard, lorsque je suis devenu enseignant au début des années ’70, confronté à ce type d’élèves, j’ai eu à faire face à ces situations perturbatrices mais, cette fois-ci, de l’autre côté de la clôture.Toutefois, à cette époque, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) n’avait pas encore fait son apparition sur les bancs d’école de telle sorte que j’ai dû développer des approches adaptées à ce genre d’élèves super-actifs, notamment des rencontres avec eux et/ou avec leurs parents pour tenter de scruter quelles pouvaient être les causes de ces comportements pour le moins inappropriés.

TDAH et surdiagnostic

Parmi la documentation volumineuse que j’ai consultée sur le phénomène du TDAH, je retiens que la pression exercée par l’école à ce chapitre, conduit souvent à un surdiagnostic entourant le TDAH. Les élèves turbulents ou en difficulté de toutes sortes de l’époque pas si lointaine où j’enseignais (1971-2003) sont devenus aujourd’hui des élèves souffrant du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité nécessitant ipso facto des médicaments. Autrement dit, le TDAH est devenu la réponse toute faite d’avance lorsque l’enseignant est confronté à un élève distrait et/ou super-actif, et la médication, la solution adéquate.

Pour enrayer ce phénomène de surdiagnostic, je me rallie entièrement à la plupart des experts qui s’entendent pour développer une stratégie concertée entre l’équipe-école, la famille et le réseau de la santé afin de réduire la consommation de psychostimulants, tel le Ritalin, chez les enfants éprouvant des problèmes aigus de comportement, notamment d’attention, au lieu de sauter à pieds joints sur une médication qui n’est peut-être pas pertinente, voire contre-indiquée, pour certains élèves.

Utilisation abusive du Ritalin

Selon les données de plusieurs études scientifiques, les Québécois, particulièrement des jeunes de niveaux primaire et secondaire, consomment annuellement quelque 40 millions de comprimés de méthylphénidate, une famille de médicaments dont fait partie le Ritalin, ce qui confère au Québec le titre peu enviable de « champion du Ritalin » au Canada.

Or, il semble qu’une des causes premières du TDHA soit liée à un problème d’adaptation des jeunes aux différents agents stresseurs auxquels ils sont confrontés quotidiennement de nos jours. À mon sens, la consommation de Ritalin par ces jeunes ne contribue qu’à poser un cataplasme sur leur comportement sans s’attaquer aux véritables problèmes qui causent leur « déficit de l’attention ».

Prudence oblige

De nombreux chercheurs avancent l’hypothèse que plusieurs intervenants auprès des jeunes semblent parfois confondre la maturation normale de l’enfant avec un problème de comportement. Loin de prétendre nier l’existence du TDAH, ces chercheurs font ressortir toutefois que les intervenants ont souvent tendance à assimiler au TDAH la réaction normale des jeunes à la pression scolaire, aux difficultés de leurs parents, à un récent déménagement, à une peine d’amour ou à tout autre agent stresseur auquel la société les soumet.

De surcroît, les recherches démontrent une inquiétude pour la santé des jeunes, les effets à long terme de l’utilisation du Ritalin n’étant pas suffisamment documentés. Forts de ces observations inquiétantes, peut-être aurions-nous avantage à user de prudence et à prendre en compte le degré de maturation des enfants avant de conclure sans preuve tangible à un diagnostic malheureusement souvent trop hâtif de TDAH.

vigile.quebec tribune libre 9 octobre 2022

Vieillir à la maison

8 octobre 2022

À l’âge vénérable de 75 ans, je réalise de plus en plus que mes forces physiques et ma capacité de concentration s’amenuisent petit à petit. Par ailleurs, je regarde autour de moi et je me sens choyé de pouvoir vivre dans un décor qui m’est familier et dans lequel je peux encore jouir de la vie. Mais jusqu’à quand pourrai-je en bénéficier? Une question qui me turlupine les méninges. Qu’arrivera-t-il de moi lorsque mon corps et mon esprit ne pourront plus suivre le rythme de la vie moderne? Dans ces moments-là, j’ai peine à imaginer que je terminerai ma vie dans un CHSLD.

Or, dans sa croisade entamée depuis maintenant 35 ans, l’ancien ministre de la Santé et des Services sociaux sous le gouvernement de Pauline Marois, le Dr Réjean Hébert, le crie et le répète sur tous les toits, le gouvernement du Québec doit revoir complément le financement de ses établissements de santé et prioriser les soins à domicile devant la réalité d’une population de plus en plus vieillissante. À titre d’illustration, seulement 14 % du budget consacré aux soins de longue durée est consacré aux soins à domicile et 86 % aux CHSLD, alors que dans des pays comme le Danemark, par exemple, c’est presque l’inverse avec 75 % du budget pour les soins à domicile et 25 % pour l’hébergement.

Aujourd’hui, la plupart des personnes âgées qui se dirigent vers les résidences pour personnes âgées (RPA) le font parce qu’ils craignent de manquer de soins s’ils demeurent à la maison. Je devrai un jour être confronté à une situation aussi déchirante. Je souhaite de tout cœur que, d’ici là, les ressources nécessaires seront investies par le gouvernement pour des soins à domicile de qualité, et que je pourrai vieillir paisiblement mes dernières années à la maison dans un climat sécuritaire et serein.

vigile.quebec tribune libre le 4 janvier 2022
Le Soleil « Point de vue » le 8 janvier 2022
Le Journal « Faites la différence » le 9 janvier 2022
Le journal Métro le 10 janvier 2022

Les ados, ces incompris

8 octobre 2022

La crise d’adolescence, voilà une réalité qui cause bien des maux de tête aux intervenants qui sont confrontés aux comportements souvent déroutants de la part des adolescents, notamment les parents et les enseignants. Parmi les manifestations de cette crise, on ne peut passer sous silence le braquage des ados contre toute forme d’autorité qui viendrait brimer leur liberté. Aussi ai-je cru opportun de vous exprimer quelques voies d’accès que j’ai explorées durant mes quelque trente années d’expérience dans des classes de troisième secondaire, et qui pourraient vous permettre d’entrer en communication avec les ados sans coup férir.

Une main de fer dans un gant de velours

Durant ma carrière en enseignement, il m’a été donné de rencontrer sur mon chemin de jeunes débutants qui avaient décidé d’adopter une position d’égalité avec leurs élèves dans l’intention d’établir une relation plus harmonieuse avec eux. En réalité, le contraire se produisait immanquablement, les élèves ayant vite adopté une attitude «amicale» avec leur professeur.

Or, le professeur n’est pas un ami pas davantage qu’un parent envers son enfant. Qu’on le veuille ou non, une ligne infranchissable doit être établie afin d’établir l’autorité indispensable pour créer un climat propice à l’apprentissage ou à l’éducation à la maison. Et pour ce faire, l’enseignant comme le parent doivent intervenir avec une main de fer dans un gant de velours, à savoir avec cohérence et souplesse. En termes clairs, permettre le droit à l’erreur de la part de l’ado.

La mise en évidence des talents

Combien de fois dans ma carrière ai-je entendu un ado se traiter de «poche» et qu’il n’excellait dans aucune activité touchant autant le domaine scolaire que les loisirs. Dans ces occasions, je rencontrais l’élève dans mon bureau et je lui expliquais qu’il était impossible qu’il n’ait aucun talent et qu’il n‘avait qu’à chercher pour arriver à le découvrir.

À titre d’exemple, je me souviens d’un élève démobilisé qui était devenu à la fin de son secondaire un des meilleurs joueurs de badminton de l’équipe qui représentait l’école dans des compétitions interscolaires. Lors du bal des finissants, deux ans plus tard, il m’a remercié pour cette rencontre qui avait changé toute la dynamique de sa vie, notamment sur le plan de la confiance en soi. En bref, je lui avais donné la p’tite tape dans le dos qu’il lui fallait pour se lancer dans la vie.

Garder contact

L’attitude souvent arrogante de certains ados vis-à-vis les personnes en ligne d’autorité, parents ou enseignants, peut inciter les intervenants à adopter parfois la ligne dure et ainsi couper les ponts avec l’adolescent, une position qui ne fera qu’aggraver la situation. Quoiqu’il soit parfois ardu de garder le contact avec l’ado, je suis d’avis que c’est la seule voie qui conduira à la réconciliation.

À cet effet, je me souviens d’une mère qui me racontait, lors d’une rencontre avec les parents, qu’elle était complètement découragée de l’attitude de son garçon qui se rebiffait au moindre de ses conseils. Elle avait adopté le silence pour se protéger. Je lui conseillai plutôt de garder contact avec son ado à défaut de quoi aucun rapprochement ne serait possible. J’ai rencontré cette mère quelques années plus tard . Elle était rayonnante et ne tarissait pas de remerciements eu égard au conseil que je lui avais donné. Sa relation avec son fils avait changé pour le mieux grâce aux compromis qu’ils avaient établis entre eux.

Les ados et les règles de conduite

De tout temps, les ados se sont braqués contre toutes règles de conduite, que ce soit à l’école ou à la maison. À ce sujet, au début de chaque année scolaire, j’avais pris l’habitude d’expliquer à mes élèves les raisons qui justifiaient l’établissement de ces règles, la plus importante à mes yeux étant le respect envers les personnes et les objets.

Ainsi, à la fin des cours, des élèves prenaient l’habitude de lancer des bouts de papier en direction de la poubelle, et bien souvent, le dit papier atterrissait à côté de la poubelle. «Rien de grave, quelqu’un est payé pour le ramasser». «Pas du tout, répondais-je, l’employé à l’entretien ménager est payé pour vider la poubelle, et cet employé mérite le respect au même titre que tout employé de l’école.»

Conclusion

La crise d’adolescence est là pour rester. Toutefois, ses effets peuvent être atténués si, en tant qu’intervenants, nous allons puiser les richesses enfouies dans chacun des ados qui sont des humains à part entière malgré des apparences qui ne sont que temporaires dans leur vie. Aussi faut-il rester en contact avec eux pour le plus grand bien de leur évolution dans la société.

vigile.quebec tribune libre le 26 juillet 2022
Le Journal le 31 juillet 2022

La relation maître/élève, fil conducteur d’une saine communication

8 octobre 2022

Dernièrement, j’ai fait la connaissance d’un jeune enseignant lors d’une rencontre d’Anciens de mon alma mater qui me faisait part de ses difficultés d’ordre disciplinaire avec quelques-uns de ses élèves. « Ce sont toujours les mêmes qui dérangent le groupe, j’ai beau les avertir de se taire, voire les expulser du cours, ils recommencent toujours le même manège », me confia-t-il.

Retour en arrière

Il n’en fallait pas davantage pour que je me transporte dans le passé, au moment où je suivais des cours de didactique à l’université, lesquels devaient me préparer à devenir un « bon » enseignant. Malheureusement, ces cours « magistraux » sur l’histoire de la didactique ne m’ont été d’aucune utilité lorsque je rencontrai mes premiers élèves au début de ma carrière.

Par bonheur, ces cours offraient aussi des stages dans les écoles où un professeur avait accepté d’agir comme tuteur en nous permettant, dans un premier temps, d’assister à ses cours et, dans un deuxième temps, de donner quelques cours en présence du maître de stage. Sans l’ombre d’un doute, ce sont ces stages pratiques qui m’ont vraiment initié à l’enseignement en plongeant au coeur de la profession.

L’enseignement, une question de communication

Plus tard, au début de ma carrière, j’appréhendais le premier contact avec « mes » élèves. Ce n’était pas le contenu de mon cours qui m’inquiétait, c’était les outils pédagogiques que je devais utiliser pour le communiquer à mes élèves qui me trituraient les méninges.

J’ai d’abord essayé l’approche qui m’apparaissait la plus efficiente, à savoir qu’au son de la cloche, les élèves devaient prendre leur place rapidement et qu’aussitôt, j’entamais le contenu du cours. Mais je me suis vite rendu compte que cette approche ne fonctionnait pas, la plupart des élèves n’étant tout simplement pas attentifs à ce que je tentais de leur communiquer.

Puis, l’expérience aidant, je me suis mis à laisser plus de temps aux élèves pour mieux se disposer à l’écoute, mais surtout pour me permettre de créer la communication avec eux en leur expliquant, par exemple, quelle sera l’utilité du prochain cours sur l’apprentissage de leur langue. En bref, j’avais appris que l’acte d’enseigner présuppose la création d’un canal de communication avec les élèves si j’espérais que le message se rende aux oreilles de mes élèves.

Garder ses distances avec les élèves

Avec les années, de nouveaux professeurs sont venus se greffer à notre équipe, certains s’acclimatant bien au métier d’enseignant, d’autres, par contre, commettant l’erreur d’adopter le style familier avec leurs élèves, dans l’espoir, en agissant ainsi, de créer un climat détendu dans leurs classes.

Erreur! Petit à petit, les élèves sont devenus les « chums » de l’enseignant et vice versa. La nécessaire distance entre les élèves et l’enseignant s’est effritée, si bien que l’enseignant perdit peu à peu le contrôle de ses classes jusqu’à devenir, à son grand désarroi, la risée de ses élèves.

Amener les élèves timides à poser des questions 

Il y a toujours eu et il y aura toujours dans chaque groupe d’élèves des tempéraments plus timides qui n’oseront jamais posé des questions de peur de faire rire d’eux par les « leaders » du groupe auprès desquels je m’empressais d’intervenir illico et sans ménagement.

Aussi avais-je pris l’habitude, dès le début de l’année et occasionnellement en cours d’année, d’inviter les élèves qui avaient des questions, et qui ne se sentaient pas à l’aise pour les poser ouvertement, à venir me rencontrer à la fin du cours ou à mon bureau en fin de journée. De cette façon, j’ai pu récupérer une pléiade d’élèves qui seraient demeurés sans réponse eu égard à une notion du contenu de cours et qui auraient accumulé des retards indus eu égard à une notion quelconque.

L’enseignement, une vocation

Régulièrement au cours de ma carrière d’enseignant, je me faisais interpeller par un curieux qui se demandait comment je faisais pour avoir la patience d’« endurer » 35 adolescents pendant une heure et ce, tout au cours de l’année scolaire.

Je lui répondais qu’il faut d’abord et avant tout aimer les jeunes et les respecter tout en établissant un code de conduite propice à l’apprentissage. J’ajouterais qu’on ne devient pas enseignant, mais que l’on naît avec les talents nécessaires pour faire carrière dans cette profession. Enfin, j’ai de plus en plus la certitude que l’enseignement est une vocation, dans le sens « d’être appelé ». J’irais même jusqu’à dire, selon mon expérience personnelle, qu’on ne choisit pas l’enseignement, mais que c’est l’enseignement qui nous choisit.

vigile.quebec tribune libre le 14 août 2022

À la défense de notre langue

8 octobre 2022

J’ai pris ma retraite à titre de professeur de français au secondaire en 2003 après une carrière de 32 ans dans le monde merveilleux de l’enseignement. Aujourd’hui, avec le recul, force est de constater que la qualité de notre langue se détériore et que ses défenseurs se font de plus en plus rarissimes.

Facteurs contraignants

Tout au cours de mon parcours professionnel, j’ai dû être confronté à des jeunes pour qui la communication, orale et écrite, revêtait une importance secondaire, l’essentiel pour eux étant de se faire comprendre peu importe la clarté du message. La langue constituait à leurs yeux un simple outil de communication. Par ailleurs, aujourd’hui, dans un monde où les médias sociaux ont envahi l’univers de la communication, notre langue s’est métamorphosée en une litanie d’abréviations incompréhensibles pour le profane que je suis.

À ce contexte de turbulence, s’ajoute le phénomène de l’anglicisation de nos jeunes qui désertent le cégep francophone pour les institutions anglophones, une tendance qui ne cessera de s’accroître que le jour où le gouvernement exigera que nos jeunes fréquentent obligatoirement le cégep francophone.

Si vous ajoutez à tous ces facteurs qui annihilent considérablement les efforts fournis par les défenseurs de notre langue l’arrivée d’immigrants qui se dirigent presque invariablement vers la langue anglaise, vous comprendrez que le défi inhérent à la défense de notre langue tient de l’héroïsme.

Quel avenir pour notre langue?

Face à tous ces constats, est-il possible, voire réaliste, que le français au Québec retrouve un jour ses lettres de noblesse? Est-il envisageable que notre jeunesse, avec la complicité de leurs enseignants, développe un sentiment de fierté envers leur langue maternelle? À cet effet, pourquoi ne pas instaurer au secondaire un cours d’histoire de la langue française qui mettrait en lumière les combats historiques auxquels a été confronté notre langue depuis les débuts de son épopée en terre de la Nouvelle-France?

C’est Saint-Exupéry qui disait : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. » Un message fort évocateur qui nous éclaire sur la nécessité d’éveiller chez nos jeunes le désir de protéger et de se faire les défenseurs de leur langue.

Notre jeunesse doit constituer le rempart contre la détérioration progressive de notre langue. Toutefois, pour cela, elle a besoin d’un déclencheur pour la mettre en marche vers cet idéal… Et ce déclencheur activera son démarrage lorsque les intervenants du milieu de l’éducation, dans un élan de concertation, leur communiqueront la fierté de parler « la langue de chez-nous »!

quebechebdo tribune libre le 24 octobre 2021
vigile.quebec tribune libre le 25 octobre 2021
Le Journal (version internet) le 2 novembre 2021

Cultiver la fierté de notre langue auprès des jeunes

8 octobre 2022

Comme je me plais à le répéter à toutes les fois où j’en ai l’occasion, j’ai eu l’extrême privilège, au cours de ma carrière, d’exercer le plus beau métier du monde, à savoir l’enseignement du français qui m’a ouvert les portes toutes grandes sur la transmission de la fierté de notre langue à mes élèves.

Expériences pédagogiques enrichissantes

D’entrée de jeu, assez tôt au début de l’année scolaire, j’amenais mes élèves dans une incursion dans une petite histoire du franco-québécois dans le but de leur faire réaliser toutes les embûches que notre langue a dû surmonter avant de devenir ce qu’elle est devenue aujourd’hui, une langue fière et belle. Mon objectif était simple: on ne défend bien que ce que l’on connaît bien.

Sporadiquement, il m’arrivait aussi de prendre une période de cours pour leur faire entendre des chansons d’auteurs québécois. À cet effet, je demeurais toujours bouche bée d’entendre plusieurs de mes élèves fredonner les paroles de la chanson Le p’tit bonheur de Félix Leclerc, comme quoi la culture québécoise était bien vivante dans certains foyers québécois.

Durant l’année scolaire, mes élèves devaient lire quatre romans dont au moins un écrit par un auteur québécois. Curieusement, le choix des élèves ne s’arrêtaient pas sur des auteurs modernes mais plutôt sur des auteurs de la première heure de la littérature québécoise, notamment Roger Lemelin, Germaine Guèvremont ou Anne Hébert.

Autres temps, autres moeurs

Aujourd’hui, j’ai pris ma retraite depuis quelque vingt ans, et je ne crois pas que je pourrais faire les mêmes expériences pédagogiques avec des élèves du 21ième siècle. Les temps ont changé. Les téléphones intelligents et les réseaux sociaux sont devenus les canaux de communication courants au grand dam de la communication orale.

Le français est devenu un cafouillage incompréhensible pour le profane que je suis. La lecture et l’écriture, qui étaient de mon temps mon cheval de bataille, sont pratiquement disparus des outils pédagogiques d’un bon nombre d’enseignants. La grammaire et la syntaxe, si indispensables à la formation d’un jugement critique articulé, ont perdu leurs lettres de noblesse au profit d’un code «linguistique» désarticulé.

Instaurer un cours d’histoire du franco-québécois au secondaire

Toutefois, la fierté de notre langue constitue, à mon sens, le moteur indispensable pour en assurer sa défense et sa promotion, et c’est auprès des jeunes, en amont, que doit prendre racine cette fierté nationale. Dans cette foulée, il est impératif que tous les enseignants, quelle que soit la matière qu’ils enseignent, insistent auprès des jeunes sur l’importance primordiale de bien parler et de bien écrire leur langue maternelle.

En terminant, je propose que le cursus des cours de français en troisième secondaire intègre quelques cours d’histoire du franco-québécois dans le but de faire connaître aux élèves le parcours tortueux que notre langue a dû sillonner au cours des siècles et, de la sorte, leur inculquer un sentiment de fierté envers leur langue maternelle. C’est une question de responsabilité nationale.

Le Journal le 23 juin 2022
vigile.quebec tribune libre le 23 juin 2022
Le Soleil (version internet) le 25 juin 2022

C’est en écrivant qu’on apprend à écrire

8 octobre 2022

En 2019, 42 % des élèves de cinquième secondaire n’ont pas obtenu la note de passage à l’examen final de français écrit du ministère de l’Éducation. L’épreuve ministérielle d’écriture comprend cinq critères. Pour réussir au critère «orthographe d’usage et orthographe grammaticale», l’élève doit faire moins de 15 fautes dans un texte de 500 mots. Pendant l’examen, l’élève peut consulter un dictionnaire, une grammaire, un recueil de conjugaison et une feuille de notes personnelles.

Pléiade de nouveaux programmes

Vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de « nouveaux programmes » auxquels j’ai dû être confronté au cours de ma carrière de 32 ans dans l’enseignement du français au secondaire. Et, à chaque occasion, on changeait la désignation des termes linguistiques pour finalement ne rien changer au point de vue de la structure de la phrase. À titre d’exemple, la fonction « sujet » est devenue « groupe nominal » et le « complément », « groupe verbal », des modifications complètement insignifiantes [qui ne signifient rien]. En revanche, ces « nouveaux programmes » ne faisaient nullement mention des méthodes d’apprentissage de l’écriture, à savoir l’orthographe grammaticale et lexicale, comme si le gargarisme de mots allait pallier la carence des élèves en écriture.

Mon expérience personnelle

Lorsque j’étais enseignant au secondaire et que je rencontrais les parents de mes élèves à chaque début d’année, je leur disais que leurs enfants allaient revenir à la bonne vieille dictée traditionnelle au cours de l’année scolaire… Et vous auriez dû voir le sourire de satisfaction sur les visages des parents.

En ce qui a trait aux nouveaux programmes, je dois vous avouer que j’étais un professeur plutôt délinquant. J’ai toujours continué à enseigner le français selon les bonnes vieilles méthodes. À mes yeux, l’élève apprend à écrire en écrivant, c’est une vérité de La Palice. De ce fait, je n’hésitais pas à soumettre mes élèves à la dictée hebdomadaire qu’ils devaient corriger eux-mêmes à l’aide d’un dictionnaire et d’une grammaire. Parmi les méthodes d’apprentissage de l’écriture, se trouve la lecture. En effet, c’est en visualisant l’orthographe d’un mot qu’ils en viennent à le reproduire correctement quand vient le temps de le transposer sur papier. Aussi, les élèves devaient lire quatre romans au cours de l’année scolaire, lesquels devaient être résumés et remis au professeur.

Assises régionales sur l’enseignement du français écrit au Québec

Je suis convaincu que de nombreuses approches pédagogiques valables et pertinentes circulent dans les notes de cours de plusieurs enseignants de français au secondaire au Québec. Pour une raison ou pour une autre, ces petits « trésors » pédagogiques demeurent lettres mortes sur les bureaux des enseignants.

À mon avis, des assises régionales regroupant des enseignants de français d’une région devraient être convoquées dans le but d’échanger sur les différentes méthodes pédagogiques utilisées par les professeurs pour contribuer à améliorer la qualité du français écrit de leurs élèves. Enfin, des assises provinciales regrouperaient un représentant par région pour en arriver à une synthèse des démarches pédagogiques les plus pertinentes.

Qualité de l’écriture et culture québécoise

Un projet de réforme de la loi 101 est actuellement à l’étude en commissions parlementaires dans le but de protéger davantage notre langue contre les dangers de l’anglicisation galopante, notamment dans la grande région de Montréal.

Notre langue fait partie intégrante de la culture québécoise. En tant que société responsable, nous nous devons de susciter la qualité du français écrit auprès de nos jeunes. En cette période où les médias sociaux triturent l’orthographe des mots jusqu’à ne plus s’y retrouver, il est plus que temps de redonner à notre langue ses lettres de noblesse.

vigile.quebec tribune libre le 15 janvier 2022
Le journal Métro le 19 janvier 2022
Le Journal « Faites la différence » le 20 janvier 2022

Une bouffée d’oxygène aux enseignants

18 juin 2011

Une nouvelle qui est passée presque inaperçue aura pourtant un impact majeur sur le bourbier dans lequel les enseignants s’enlisent depuis l’introduction de la réforme en éducation. Il s’agit du dogme qui intègre systématiquement les élèves éprouvant des difficultés dans les groupes réguliers, sans offrir de ressources humaines et matérielles aux enseignants pour leur permettre de pallier les obstacles inhérents à cette intégration.
En effet, par la voix du président de la Fédération autonome de l’enseignement, Pierre Saint-Germain, une entente de principe est intervenue entre la FAE et le gouvernement sur l’intégration des élèves handicapés et en difficulté d’apprentissage à l’effet que, dorénavant, le retour des classes spéciales, sans devenir le modèle, en sera un parmi d’autres. L’entente comprend une série de mesures qui vont de l’injection de 26 millions $ destinés à payer le salaire des enseignants-ressources nécessaires jusqu’à la diminution du nombre d’élèves dans les classes ordinaires.
Lorsque j’ai parlé de cette entente à ma fille qui enseigne au primaire depuis une dizaine d’années, elle a aussitôt manifesté sa satisfaction en s’exclamant que ces mesures étaient réclamées depuis plusieurs années par les enseignants. Enfin, me suis-je dit, une mesure qui procurera une bouffée d’oxygène aux enseignants!

 

« L’école en souffrance »

7 juin 2011

C’est le titre de l’ouvrage de la sociologue Marie-France Maranda qui vient d’être publié aux Presses de l’Université Laval. Après un an passé dans une école secondaire en milieu défavorisé, Mme Maranda attribue la détresse des enseignants à une multitude facteurs : l’intégration d’un trop grand nombre d’élèves en difficultés, le manque de temps, les situations d’urgence, la complexité des tâches, la lourdeur de la bureaucratie, la précarité de l’emploi, et, pour ajouter à ces facteurs contraignants, les dernières conventions de partenariat signées entre les commissions scolaires et le ministère de l’Éducation qui exigent une reddition de compte aux enseignants comme si on leur imputait l’entière responsabilité de la réussite de leurs élèves. Ce portrait négatif est-il attribuable au fait qu’il provient d’une école en milieu défavorisé? Mme Maranda réplique que la deuxième partie de la recherche, présentement en cours, tend à démontrer des résultats comparables d’une école à l’autre, peu importe le milieu.
Dans ces circonstances, il ne faut pas s’étonner que 20% des nouveaux enseignants abandonnent la profession au cours des cinq premières années! À mon sens, il est urgent que l’école soit remise entre les mains des principaux intervenants en éducation, soit l’équipe-école et les parents! Pour ce qui est des ressources humaines et matérielles inhérentes aux problèmes engendrés par les élèves éprouvant des besoins particuliers, il appartiendra alors au gouvernement de dégager les fonds nécessaires…selon moi, le rôle prioritaire qu’il devrait jouer et ce, pour le plus grand bien des enseignants et le meilleur épanouissement de notre jeunesse sur les bancs d’école!  

À toutes ces « mères patrie »

11 mai 2011

À une époque pas très lointaine, les mères incarnaient la présence au foyer, l'alouette qui permettait à ses rejetons de s'épanouir sans inquiétude et de prendre leur envol avec confiance. J'ai eu la chance d'avoir une mère qui m'a permis de m'épanouir sans inquiétude et de prendre mon envol avec confiance! Aujourd'hui, après une carrière enrichissante auprès des jeunes en éducation, je peux affirmer qu'elle a été le moteur qui m'a insufflé l'énergie d'une bougie d'allumage qui a fait de moi un Québécois dans l'âme.
Pour reprendre une expression consacrée, ma mère a incarné, comme beaucoup d'autres à son époque, la "mère patrie", celle qui a veillé au grain pour qu'il donne le fruit qui permette au Québec d'être ce qu'il est devenu, un peuple fier de sa langue et de sa culture.