À la défense de notre langue

8 octobre 2022

J’ai pris ma retraite à titre de professeur de français au secondaire en 2003 après une carrière de 32 ans dans le monde merveilleux de l’enseignement. Aujourd’hui, avec le recul, force est de constater que la qualité de notre langue se détériore et que ses défenseurs se font de plus en plus rarissimes.

Facteurs contraignants

Tout au cours de mon parcours professionnel, j’ai dû être confronté à des jeunes pour qui la communication, orale et écrite, revêtait une importance secondaire, l’essentiel pour eux étant de se faire comprendre peu importe la clarté du message. La langue constituait à leurs yeux un simple outil de communication. Par ailleurs, aujourd’hui, dans un monde où les médias sociaux ont envahi l’univers de la communication, notre langue s’est métamorphosée en une litanie d’abréviations incompréhensibles pour le profane que je suis.

À ce contexte de turbulence, s’ajoute le phénomène de l’anglicisation de nos jeunes qui désertent le cégep francophone pour les institutions anglophones, une tendance qui ne cessera de s’accroître que le jour où le gouvernement exigera que nos jeunes fréquentent obligatoirement le cégep francophone.

Si vous ajoutez à tous ces facteurs qui annihilent considérablement les efforts fournis par les défenseurs de notre langue l’arrivée d’immigrants qui se dirigent presque invariablement vers la langue anglaise, vous comprendrez que le défi inhérent à la défense de notre langue tient de l’héroïsme.

Quel avenir pour notre langue?

Face à tous ces constats, est-il possible, voire réaliste, que le français au Québec retrouve un jour ses lettres de noblesse? Est-il envisageable que notre jeunesse, avec la complicité de leurs enseignants, développe un sentiment de fierté envers leur langue maternelle? À cet effet, pourquoi ne pas instaurer au secondaire un cours d’histoire de la langue française qui mettrait en lumière les combats historiques auxquels a été confronté notre langue depuis les débuts de son épopée en terre de la Nouvelle-France?

C’est Saint-Exupéry qui disait : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. » Un message fort évocateur qui nous éclaire sur la nécessité d’éveiller chez nos jeunes le désir de protéger et de se faire les défenseurs de leur langue.

Notre jeunesse doit constituer le rempart contre la détérioration progressive de notre langue. Toutefois, pour cela, elle a besoin d’un déclencheur pour la mettre en marche vers cet idéal… Et ce déclencheur activera son démarrage lorsque les intervenants du milieu de l’éducation, dans un élan de concertation, leur communiqueront la fierté de parler « la langue de chez-nous »!

quebechebdo tribune libre le 24 octobre 2021
vigile.quebec tribune libre le 25 octobre 2021
Le Journal (version internet) le 2 novembre 2021

Cultiver la fierté de notre langue auprès des jeunes

8 octobre 2022

Comme je me plais à le répéter à toutes les fois où j’en ai l’occasion, j’ai eu l’extrême privilège, au cours de ma carrière, d’exercer le plus beau métier du monde, à savoir l’enseignement du français qui m’a ouvert les portes toutes grandes sur la transmission de la fierté de notre langue à mes élèves.

Expériences pédagogiques enrichissantes

D’entrée de jeu, assez tôt au début de l’année scolaire, j’amenais mes élèves dans une incursion dans une petite histoire du franco-québécois dans le but de leur faire réaliser toutes les embûches que notre langue a dû surmonter avant de devenir ce qu’elle est devenue aujourd’hui, une langue fière et belle. Mon objectif était simple: on ne défend bien que ce que l’on connaît bien.

Sporadiquement, il m’arrivait aussi de prendre une période de cours pour leur faire entendre des chansons d’auteurs québécois. À cet effet, je demeurais toujours bouche bée d’entendre plusieurs de mes élèves fredonner les paroles de la chanson Le p’tit bonheur de Félix Leclerc, comme quoi la culture québécoise était bien vivante dans certains foyers québécois.

Durant l’année scolaire, mes élèves devaient lire quatre romans dont au moins un écrit par un auteur québécois. Curieusement, le choix des élèves ne s’arrêtaient pas sur des auteurs modernes mais plutôt sur des auteurs de la première heure de la littérature québécoise, notamment Roger Lemelin, Germaine Guèvremont ou Anne Hébert.

Autres temps, autres moeurs

Aujourd’hui, j’ai pris ma retraite depuis quelque vingt ans, et je ne crois pas que je pourrais faire les mêmes expériences pédagogiques avec des élèves du 21ième siècle. Les temps ont changé. Les téléphones intelligents et les réseaux sociaux sont devenus les canaux de communication courants au grand dam de la communication orale.

Le français est devenu un cafouillage incompréhensible pour le profane que je suis. La lecture et l’écriture, qui étaient de mon temps mon cheval de bataille, sont pratiquement disparus des outils pédagogiques d’un bon nombre d’enseignants. La grammaire et la syntaxe, si indispensables à la formation d’un jugement critique articulé, ont perdu leurs lettres de noblesse au profit d’un code «linguistique» désarticulé.

Instaurer un cours d’histoire du franco-québécois au secondaire

Toutefois, la fierté de notre langue constitue, à mon sens, le moteur indispensable pour en assurer sa défense et sa promotion, et c’est auprès des jeunes, en amont, que doit prendre racine cette fierté nationale. Dans cette foulée, il est impératif que tous les enseignants, quelle que soit la matière qu’ils enseignent, insistent auprès des jeunes sur l’importance primordiale de bien parler et de bien écrire leur langue maternelle.

En terminant, je propose que le cursus des cours de français en troisième secondaire intègre quelques cours d’histoire du franco-québécois dans le but de faire connaître aux élèves le parcours tortueux que notre langue a dû sillonner au cours des siècles et, de la sorte, leur inculquer un sentiment de fierté envers leur langue maternelle. C’est une question de responsabilité nationale.

Le Journal le 23 juin 2022
vigile.quebec tribune libre le 23 juin 2022
Le Soleil (version internet) le 25 juin 2022

C’est en écrivant qu’on apprend à écrire

8 octobre 2022

En 2019, 42 % des élèves de cinquième secondaire n’ont pas obtenu la note de passage à l’examen final de français écrit du ministère de l’Éducation. L’épreuve ministérielle d’écriture comprend cinq critères. Pour réussir au critère «orthographe d’usage et orthographe grammaticale», l’élève doit faire moins de 15 fautes dans un texte de 500 mots. Pendant l’examen, l’élève peut consulter un dictionnaire, une grammaire, un recueil de conjugaison et une feuille de notes personnelles.

Pléiade de nouveaux programmes

Vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de « nouveaux programmes » auxquels j’ai dû être confronté au cours de ma carrière de 32 ans dans l’enseignement du français au secondaire. Et, à chaque occasion, on changeait la désignation des termes linguistiques pour finalement ne rien changer au point de vue de la structure de la phrase. À titre d’exemple, la fonction « sujet » est devenue « groupe nominal » et le « complément », « groupe verbal », des modifications complètement insignifiantes [qui ne signifient rien]. En revanche, ces « nouveaux programmes » ne faisaient nullement mention des méthodes d’apprentissage de l’écriture, à savoir l’orthographe grammaticale et lexicale, comme si le gargarisme de mots allait pallier la carence des élèves en écriture.

Mon expérience personnelle

Lorsque j’étais enseignant au secondaire et que je rencontrais les parents de mes élèves à chaque début d’année, je leur disais que leurs enfants allaient revenir à la bonne vieille dictée traditionnelle au cours de l’année scolaire… Et vous auriez dû voir le sourire de satisfaction sur les visages des parents.

En ce qui a trait aux nouveaux programmes, je dois vous avouer que j’étais un professeur plutôt délinquant. J’ai toujours continué à enseigner le français selon les bonnes vieilles méthodes. À mes yeux, l’élève apprend à écrire en écrivant, c’est une vérité de La Palice. De ce fait, je n’hésitais pas à soumettre mes élèves à la dictée hebdomadaire qu’ils devaient corriger eux-mêmes à l’aide d’un dictionnaire et d’une grammaire. Parmi les méthodes d’apprentissage de l’écriture, se trouve la lecture. En effet, c’est en visualisant l’orthographe d’un mot qu’ils en viennent à le reproduire correctement quand vient le temps de le transposer sur papier. Aussi, les élèves devaient lire quatre romans au cours de l’année scolaire, lesquels devaient être résumés et remis au professeur.

Assises régionales sur l’enseignement du français écrit au Québec

Je suis convaincu que de nombreuses approches pédagogiques valables et pertinentes circulent dans les notes de cours de plusieurs enseignants de français au secondaire au Québec. Pour une raison ou pour une autre, ces petits « trésors » pédagogiques demeurent lettres mortes sur les bureaux des enseignants.

À mon avis, des assises régionales regroupant des enseignants de français d’une région devraient être convoquées dans le but d’échanger sur les différentes méthodes pédagogiques utilisées par les professeurs pour contribuer à améliorer la qualité du français écrit de leurs élèves. Enfin, des assises provinciales regrouperaient un représentant par région pour en arriver à une synthèse des démarches pédagogiques les plus pertinentes.

Qualité de l’écriture et culture québécoise

Un projet de réforme de la loi 101 est actuellement à l’étude en commissions parlementaires dans le but de protéger davantage notre langue contre les dangers de l’anglicisation galopante, notamment dans la grande région de Montréal.

Notre langue fait partie intégrante de la culture québécoise. En tant que société responsable, nous nous devons de susciter la qualité du français écrit auprès de nos jeunes. En cette période où les médias sociaux triturent l’orthographe des mots jusqu’à ne plus s’y retrouver, il est plus que temps de redonner à notre langue ses lettres de noblesse.

vigile.quebec tribune libre le 15 janvier 2022
Le journal Métro le 19 janvier 2022
Le Journal « Faites la différence » le 20 janvier 2022

Je rêve depuis plus de quarante ans

23 août 2012

Je rêve depuis plus de quarante ans
D’un pays en terre d’Amérique
Qui se libère des sorts maléfiques
Qui le harcèlent depuis tant de temps

Je rêve depuis plus de quarante ans
D’un peuple qui ose s’affirmer
Et clamer sa soif de liberté
Par delà les carcans étouffants

Je rêve depuis plus de quarante ans
D’une voix qui proclame ses convictions
Au-delà des stériles ambitions
D’un pouvoir bêtement avilissant

Je rêve depuis plus de quarante ans
D’une nation québécoise française
Qui arrête de filer à l’anglaise
Devant un adversaire dénigrant

Je rêve depuis plus de quarante ans
De reprendre fièrement mes cours d’eau
Mes forêts, mes mines, mes animaux
Et d’en disposer comme je l’entends

Je rêve depuis plus de quarante ans
D’un Québec libre et souverain
Qui aspire à se prendre en main
Et à s’assumer toutes voiles au vent

 

Je suis une langue fière

29 mars 2012

Certains me disent belle
Mais je ne suis pas de celles
Qui se nourrissent de miel
Ou d’une pincée de sel

J’ai traversé les mers
Pour m’établir ici
Dans ce vaste pays
De froids et longs hivers

J’y ai vite pris racine
Je me suis senti chez moi
J’ai lacé mes bottines
Et suis parti au bois

M’attendait au retour
Une langue étrangère
Empiétant sans détour
Sur les droits de mes terres

Je ne suis pas guerrière
Mais je ne suis pas de celles
Qui se nourrissent de miel
Je suis une langue fière

J’ai traversé les mers
Pour m’établir ici
Au pourtour des rivières
Où m’accueille ce pays

Je suis ici chez moi
Je suis revenu du bois
Je remets mes bottines
Et reprends mes racines

 

 

 

La traversée du désert

20 mars 2012

Il a toujours existé sur cette terre
Des générations généreuses de mères
Pour qui le sentiment d’utilité
Incarnait la fontaine où s’abreuver

Il fut un temps pas lointain où ma mère
Avait érigé tout son univers
Autour du besoin criant de donner
À ses enfants sans jamais demander

Puis emportée dans un destin pervers
A vite basculé tout son univers
Lorsque ses oiseaux ont quitté le nid
Construit au cours de toutes ces décennies

Ce fut alors la descente aux enfers
Son âme s’est réfugiée dans un cancer
Qui l’a aussitôt condamnée aux fers
Et à bout de forces la conduire en terre

Telle est la belle et triste histoire d’une mère
Qui a dû traverser seule le long désert
Et pour qui j’ai écrit ces quelques vers
Enfouis dans l’intimité de ma serre 

 

Si j’étais une femme

19 octobre 2011

Moi si j’étais une femme
J’userais de mes charmes
Pour faire tomber tombeurs
Et ces rustres charmeurs

Moi si j’étais une femme
De pique je serais dame
De cœur je serais roi
Et l’as serait ma loi

Moi si j’étais un femme
Toutes les notes de la gamme
Je jouerais sans remords
Pour redresser les torts

Moi si j’étais une femme
Du feu de ma flamme
J’attiserais le tison
De ces hommes en bâillon

Moi si j’étais une femme
De ma tranchante lame
Je couperais les maillons
Des pernicieux affronts

Moi si j’étais une femme
Toute la force de mon âme
J’employerais sans pitié
Pour combattre vacuité

 

Une bouffée d’oxygène aux enseignants

18 juin 2011

Une nouvelle qui est passée presque inaperçue aura pourtant un impact majeur sur le bourbier dans lequel les enseignants s’enlisent depuis l’introduction de la réforme en éducation. Il s’agit du dogme qui intègre systématiquement les élèves éprouvant des difficultés dans les groupes réguliers, sans offrir de ressources humaines et matérielles aux enseignants pour leur permettre de pallier les obstacles inhérents à cette intégration.
En effet, par la voix du président de la Fédération autonome de l’enseignement, Pierre Saint-Germain, une entente de principe est intervenue entre la FAE et le gouvernement sur l’intégration des élèves handicapés et en difficulté d’apprentissage à l’effet que, dorénavant, le retour des classes spéciales, sans devenir le modèle, en sera un parmi d’autres. L’entente comprend une série de mesures qui vont de l’injection de 26 millions $ destinés à payer le salaire des enseignants-ressources nécessaires jusqu’à la diminution du nombre d’élèves dans les classes ordinaires.
Lorsque j’ai parlé de cette entente à ma fille qui enseigne au primaire depuis une dizaine d’années, elle a aussitôt manifesté sa satisfaction en s’exclamant que ces mesures étaient réclamées depuis plusieurs années par les enseignants. Enfin, me suis-je dit, une mesure qui procurera une bouffée d’oxygène aux enseignants!

 

« L’école en souffrance »

7 juin 2011

C’est le titre de l’ouvrage de la sociologue Marie-France Maranda qui vient d’être publié aux Presses de l’Université Laval. Après un an passé dans une école secondaire en milieu défavorisé, Mme Maranda attribue la détresse des enseignants à une multitude facteurs : l’intégration d’un trop grand nombre d’élèves en difficultés, le manque de temps, les situations d’urgence, la complexité des tâches, la lourdeur de la bureaucratie, la précarité de l’emploi, et, pour ajouter à ces facteurs contraignants, les dernières conventions de partenariat signées entre les commissions scolaires et le ministère de l’Éducation qui exigent une reddition de compte aux enseignants comme si on leur imputait l’entière responsabilité de la réussite de leurs élèves. Ce portrait négatif est-il attribuable au fait qu’il provient d’une école en milieu défavorisé? Mme Maranda réplique que la deuxième partie de la recherche, présentement en cours, tend à démontrer des résultats comparables d’une école à l’autre, peu importe le milieu.
Dans ces circonstances, il ne faut pas s’étonner que 20% des nouveaux enseignants abandonnent la profession au cours des cinq premières années! À mon sens, il est urgent que l’école soit remise entre les mains des principaux intervenants en éducation, soit l’équipe-école et les parents! Pour ce qui est des ressources humaines et matérielles inhérentes aux problèmes engendrés par les élèves éprouvant des besoins particuliers, il appartiendra alors au gouvernement de dégager les fonds nécessaires…selon moi, le rôle prioritaire qu’il devrait jouer et ce, pour le plus grand bien des enseignants et le meilleur épanouissement de notre jeunesse sur les bancs d’école!  

À toutes ces « mères patrie »

11 mai 2011

À une époque pas très lointaine, les mères incarnaient la présence au foyer, l'alouette qui permettait à ses rejetons de s'épanouir sans inquiétude et de prendre leur envol avec confiance. J'ai eu la chance d'avoir une mère qui m'a permis de m'épanouir sans inquiétude et de prendre mon envol avec confiance! Aujourd'hui, après une carrière enrichissante auprès des jeunes en éducation, je peux affirmer qu'elle a été le moteur qui m'a insufflé l'énergie d'une bougie d'allumage qui a fait de moi un Québécois dans l'âme.
Pour reprendre une expression consacrée, ma mère a incarné, comme beaucoup d'autres à son époque, la "mère patrie", celle qui a veillé au grain pour qu'il donne le fruit qui permette au Québec d'être ce qu'il est devenu, un peuple fier de sa langue et de sa culture.