Les traditions québécoises chez les jeunes

13 décembre 2022

Alors que l’on pourrait croire que les jeunes ne sont pas attachés aux traditions québécoises, il m’a été donné de constater au cours de mes années d’enseignement de la première à la troisième secondaire qu’au contraire, ils manifestent de l’intérêt pour les valeurs traditionnelles véhiculées au Québec depuis des décennies par leurs ancêtres.

Les chansons québécoises

À quelques occasions au cours de l’année scolaire, pendant la période réservée à la lecture, j’apportais des cassettes de chansons québécoises que je faisais jouer pendant qu’ils lisaient. Or, j’ai souvenir qu’un jour, pendant que Félix Leclerc chantait « Le p’tit bonheur », certains élèves fredonnaient timidement les paroles de la chanson.

Curieux de réaliser qu’ils connaissaient cette chanson tirées du folklore québécois, je demandai à certains élèves les raisons pour lesquelles ils savaient les paroles de cette chanson, ce à quoi ils répondaient qu’ils l’avaient apprise de leur grand-père qui avait coutume de chanter cette chanson à chaque occasion ils se rencontraient. Le même phénomène se produisait, par exemple, pour « La complainte du phoque en Alaska » de Beau dommage que leur grand-mère leur faisait jouer lors de leurs rencontres.

Les romans québécois

J’exigeais que chaque élève lise quatre livres durant l’année, dont un roman québécois dont ils devaient faire un bref résumé de l’histoire devant les élèves. Il était surprenant de constater avec quel engouement ils présentaient par exemple « Maria Chapdeleine » de l’auteur Louis Hémon , ou « Le Survenant » de Germaine Guèvremont, ou « La Sagouine » d’Antonine Maillet, ou « Les Plouffe » de Roger Lemelin, et avec quel intérêt les autres élèves les écoutaient.

Les héros

Un des sujets que j’avais inscrit à la liste que les élèves devaient explorer au cours d’une production orale était leur héros. Bien sûr, plusieurs élèves avaient choisi soit un athlète ou une vedette de cinéma ou un groupe de musique, mais un certain nombre d’élèves avaient opté pour leur père ou leur mère, ou leurs grands-parents. C’est dire à quel point certains jeunes vouaient un culte particulier envers leurs parents ou leurs grands-parents, et demeuraient attachés aux valeurs familiales.

Le temps des Fêtes

À l’approche du temps des Fêtes, la fébrilité s’emparait des élèves. Au début de décembre, je demandais aux élèves d’apporter une décoration de Noël, et nous précédions, dans l’esprit des Fêtes, à la décoration du local-classe. Dans le même esprit, se tenait un échange de cadeaux entre élèves lors de la dernière journée avant de partir en vacances, chacun d’eux ayant tiré un nom d’élèves au hasard.

Les événements marquants

Dans le but de favoriser le travail en équipes, les élèves devaient se regrouper selon leurs intérêts pour élaborer un journal d’époque à l’intérieur duquel cinq chroniques sur des sujets différents devaient apparaître.

Certains articles portaient sur la première traversée du Lac Saint-Jean par le Québécois Jacques Amyot, de la vie des draveurs du début de la colonie, des prouesses de Maurice Richard, de la traditionnelle messe de minuit à Noël, ou du rythme de vie exigeant des premiers colons arrivés en Nouvelle-France au 17ième siècle, etc…

Vieillir

8 décembre 2022

Vieillir

Vieillir, c’est mordre dans la vie

C’est oublier tous les regrets

Vieillir, c’est bâtir un palais

Pour enfermer nos souvenirs

 

Vieillir, c’est vivre le présent

C’est se réjouir d’un sourire

Vieillir, c’est pleurer en chantant

Au bras d’une femme à chérir

 

Vieillir, c’est se prendre la main

En guise de quelques mots d’amour

Vieillir, c’est ignorer demain

Et vivre en se faisant la cour

 

Vieillir, c’est s’asseoir sur un banc

Ta tête penchée sur mon épaule

Vieillir, c’est rire tout en pleurant

Ta joue et la mienne qui se frôlent

 

Vieillir, c’est croire en l’éternel

Tels deux vieux fous épris de vie

Vieillir, c’est couvrir de son aille

Le coeur de la belle endormie


8 décembre 2022

Pénurie d’enseignants : les causes

6 décembre 2022

Pour l’année scolaire 2021-2022, le nombre d’enseignants embauchés sans brevet en vertu d’une tolérance d’engagement s’est élevé à 4783, un sommet inégalé au cours des cinq dernières années. Par ailleurs, trois mois après la rentrée scolaire 2022-2023, plus de 600 enseignants manquent toujours à l’appel, et la seule façon de pallier cette pénurie est de faire appel à des professeurs non légalement qualifiés. Selon les plus récents chiffres,109 postes réguliers à temps plein et 525 contrats d’enseignants sont toujours vacants.

Cursus du secondaire

Le cursus de cours au secondaire en français met l’accent sur les notions grammaticales, syntaxiques et lexicales au cours des trois premières années si bien que les deux dernières années du secondaire sont laissées pour compte au profit de la littérature.

Si vous ajoutez à cette situation le fait que le cursus collégial n’aborde que superficiellement les notions linguistiques, il n’est donc pas étonnant de constater qu’un grand nombre d’étudiants en sciences de l’éducation échouent le Test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE), lequel est obligatoire pour obtenir leur brevet d’enseignement. Or, ce Test comprend deux parties, à savoir une production écrite et un questionnaire à choix multiples portant sur les phénomènes liés à la grammaire, la syntaxe et le lexique, ce questionnaire étant la partie de l’examen qui contient le plus grand nombre d’échecs. Enfin, en cas d’échec au Test, l’étudiant doit reporter son stage d’au moins un an, le temps de réussir l’examen.

Cursus universitaire

Au cours de leur première année de baccalauréat en sciences de l’éducation, les étudiants sont gavés de notions théoriques sur la didactique qui ne sont pas, pour la plupart, d’une grande utilité lorsque le nouvel enseignant se présente devant un groupe d’élèves en début d’année scolaire.

Par contre, les étudiants devraient, à mon sens, pouvoir bénéficier de rencontres avec des enseignants expérimentés au cours desquelles les échanges pourraient porter sur les différentes approches pédagogiques qui facilitent l’apprentissage des élèves et sur les meilleures méthodes pour assurer une saine gestion de classe.

Une note positive, dès leur deuxième année, les étudiants participent à des stages en compagnie d’un maître de stage. L’intégration du stagiaire se fait progressivement, celui-ci agissant d’abord comme observateur et ensuite comme responsable du groupe en présence du maître de stage.

Lourdeur de la tâche

Ce n’est pas d’hier que les enseignants se plaignent de la lourdeur de leur tâche, notamment depuis le phénomène croissant du nombre d’élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage, tel le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH). 

Nonobstant le fait que je suis favorable à l’intégration de ces élèves au sein des groupes réguliers, force est de constater qu’on remarque, depuis plusieurs années, une pénurie de personnel spécialisé dans les écoles, tels les psychologues, les travailleurs sociaux, les orthophonistes, les psycho-éducateurs, lesquels apportent un soutien indispensable aux enseignants pour la gestion efficiente de leurs élèves et sans lesquels les enseignants passent un temps précieux qui se répercute sur les autres élèves qui risquent de prendre du recul sur le contenu de la matière.

Valorisation de la tâche

Depuis plusieurs années, la valorisation de la profession d’enseignant est devenu un sujet d’actualité. Or, dans la réalité, quelles solutions ont été effectivement mises de l’avant pour atteindre cet objectif? À mon avis, tant et aussi longtemps que l’enseignement portera le fardeau de tâches extrêmement lourdes, peu d’étudiants issus des cégeps feront le saut en éducation de peur d’être confronté à des situations de gestion de classe qui les rend réticents à plonger dans une profession perçue socialement comme problématique.

Le mot de la fin s’adresse à des parents retraités qui ont fait carrière dans l’enseignement. Si votre adolescent manifeste des intentions de se diriger vers la carrière d’enseignant ou si vous connaissez un jeune intéressé à une carrière d’enseignant, je vous invite fortement à l’encourager à choisir, malgré tout ce qu’on peut entendre, le plus beau métier du monde, à savoir celui de façonner le monde de demain.

vigile.quebec tribune libre 5 décembre 2022

Entretenir le lien avec les élèves

2 décembre 2022

Dernièrement, j’ai fait la connaissance d’un jeune enseignant lors d’une rencontre d’Anciens de mon alma mater qui me faisait part de ses difficultés d’ordre disciplinaire avec quelques-uns de ses élèves. « Ce sont toujours les mêmes qui dérangent le groupe, j’ai beau les avertir de se taire, voire les expulser du cours, ils recommencent toujours le même manège », me confia-t-il.

Retour en arrière

Il n’en fallait pas davantage pour que je me transporte dans le passé, au moment où je suivais des cours de didactique à l’université, lesquels devaient me préparer à devenir un « bon » enseignant. Malheureusement, ces cours « magistraux » sur l’histoire de la didactique ne m’ont été d’aucune utilité lorsque je rencontrai mes premiers élèves au début de ma carrière.

Par bonheur, ces cours offraient aussi des stages dans les écoles où un professeur avait accepté d’agir comme tuteur en permettant aux stagiaires, dans un premier temps, d’assister à ses cours et, dans un deuxième temps, de donner quelques cours en présence du maître de stage. Sans l’ombre d’un doute, ce sont ces stages pratiques qui m’ont vraiment initié à l’enseignement en plongeant au coeur de la profession.

Une question de communication

Plus tard, au début de ma carrière, j’appréhendais le premier contact avec « mes » élèves. Ce n’était pas le contenu de mon cours qui m’inquiétait, c’était les outils pédagogiques que je devais utiliser pour communiquer ce contenu à mes élèves qui me trituraient les méninges.

J’ai d’abord essayé l’approche qui m’apparaissait la plus efficace, à savoir qu’au son de la cloche, les élèves devaient prendre leur place rapidement et qu’aussitôt, j’entamais le contenu du cours. Mais je me suis vite rendu compte que cette approche ne fonctionnait pas, la plupart des élèves, encore sous l’effet de détente de la période de repos, n’étant tout simplement pas attentifs à ce que je tentais de leur communiquer.

Puis, l’expérience aidant, je me suis mis à laisser plus de temps aux élèves pour mieux se disposer à l’écoute, mais surtout pour me permettre de créer la communication avec eux en leur expliquant, par exemple, quelle sera l’utilité du prochain cours sur l’apprentissage de leur langue. En bref, j’avais appris que l’acte d’enseigner présuppose la création d’un canal de communication avec les élèves si j’espérais que le message se rende à leurs oreilles.

Aimer ses élèves

Régulièrement, au cours de ma carrière d’enseignant, je me faisais interpeller par un curieux qui se demandait comment je faisais pour avoir la patience d’« endurer » 35 adolescents pendant une heure et ce, tout au cours de l’année scolaire.

Je lui répondais qu’il faut d’abord et avant tout aimer ses élèves et les respecter tout en établissant un code de conduite flexible et propice à l’apprentissage.

À cet effet, j’ai gardé en mémoire une rencontre fortuite avec un jeune souffrant d’un cancer incurable. Après m’être assis sur le bord de son lit, je le regarde dans les yeux :

« Tu souffres?

Puis-je faire quelque chose pour toi?

Après un long moment de silence, il me dit :

Dans deux mois, je serai mort,…En attendant, aime-moi! »

Vivre avec le cancer

22 novembre 2022

Certes, le sujet sort de l’ordinaire. Enfin, que je me suis dit, des centaines de millions de personnes ont reçu ou recevront au cours de leur vie un diagnostic de cancer. Certaines en guériront, d’autres malheureusement en mourront.

Dans mon cas, j’ai reçu un diagnostic de cancer de stade 4 incurable le 21 février 2022 suite à un premier cancer au poumon droit découvert un an plus tôt et que je croyais guéri.

Quelques jours après le dignostic, je rencontre un oncologue dans le but de me faire un portrait de la situation. Il me propose des traitements en immunothérapie. Si j’accepte les traitements, l’espérance de vie est de 18 à 24 mois, et si tout va bien, peut-être davantage pour 30% des patients étant soumis à cette thérapie. J’accepte ces traitements qui ont pour effet de renforcer mon système immunitaire qui peut, de la sorte, attaquer plus vigoureusement les cellules cancéreuses.

Faire face à la réalité

Après un an sans aucun signe de mon premier cancer, j’avais espoir qu’il avait quitté mon corps à jamais. Mais le monstre en a décidé autrement. Il récidive avec encore davantage d’agressivité. Il vient chambouler toute ma vie, ma quiétude et ma sérénité. La fatale réalité m’a soudainement rattrapé.

Cette réalité de la mort que nous fuyons toute notre vie fait maintenant partie de mon quotidien. Et je n’ai d’autre choix que de l’apprivoiser, de continuer à vivre avec elle sans qu’elle n’accapare toutes mes pensées. Car la vie m’offre encore de magnifiques moments de joie et de bonheur compte tenu que mon corps réagit très bien aux traitements et que je n’éprouve aucun effet secondaire.

Savourer le moment présent

Le passé ne m’appartient plus et le futur ne m’appartient pas. Seul le présent m’appartient et c’est avec lui que j’ai décidé de continuer ma vie, entouré de mes proches. Les marées basses de notre vie nous invitent à marcher à la recherche de coquillages, ces merveilles de la mer si convoitées par les enfants. Malgré les moments pénibles que l’avenir me réserve, j’ai le goût de mordre dans la vie à l’image des oiseaux qui ne semblent pas préoccupés par demain, ou du sourire d’un enfant qui fait ses premiers pas et qui nous enseigne qu’il faut aller de l’avant avec confiance.

Aide médicale à mourir

J’ai livré plusieurs batailles au cours de ma vie professionnelle et, lorsque je m’engageais dans une bataille, c’était parce que je croyais que j’avais une chance de la gagner. Or, aujourd’hui, je suis devant un adversaire invincible, un cancer de stade 4 incurable. Aussi a-je décidé de lui concéder la victoire avant de me lancer inutilement dans un combat impossible à gagner.

En prenant la décision de demander l’aide médicale à mourir lorsque la vie ne m’apportera que souffrances, je pense d’abord à mon épouse et à mes deux filles à qui je désire éviter des moments de tristesse et de souffrance qu’elles n’ont aucune raison de supporter. Ainsi, elles garderont de moi le souvenir d’un époux et d’un père qui a choisi de mourir près d’elles dans la dignité.

L’école à trois vitesses, une réalité préoccupante

25 octobre 2022

Une étude de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) révèle que près de 44 % des élèves du secondaire étudient au privé ou dans des écoles publiques à programmes ou projets particuliers, ce qui implique que plus d’un élève sur deux fréquentent l’école publique dite « régulière » où sont concentrés des jeunes moins doués et issus de parents souvent moins fortunés.

Avec l’arrivée de Bernard Drainville au poste de ministre de l’Éducation, et connaissant sa détermination lorsqu’il aborde un dossier, j’ose espérer que le nouveau ministre saura pallier cet écueil pour le moins inquiétant auquel sont confrontés les jeunes qui fréquentent l’école publique « régulière ».

Petite histoire

D’entrée de jeu, le débat entre l’école publique et l’école privée remonte à la fin des collèges classiques qui a vu apparaître les écoles secondaires et les Cégeps. Depuis lors, un clivage s’est opéré entre les écoles privées, vestiges des anciens collèges classiques, et les écoles publiques, issues de la réforme.

Or, il m’apparaît qu’aujourd’hui, certaines écoles publiques ont réduit considérablement l’écart qui les défavorisait eu égard aux écoles privées en instaurant des programmes particuliers, notamment en arts et en sports, une initiative qui a vu apparaître un sentiment d’appartenance inégalé jusqu’à maintenant grâce à une participation massive des élèves aux programmes spéciaux.

Mais là où le bât blesse avec beaucoup d’acuité, réside dans le fait qu’une majorité de jeunes sont cantonnés dans des écoles qui n’accueillent que des élèves en difficulté d’apprentissage souffrant souvent du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ou démotivés quant à l’importance de leurs études.

Pistes de solutions

À prime abord, je suis d’avis que la solution n’est pas de faire disparaître l’école privée et l’école publique à projets particuliers pour créer une école « égalitaire » où seraient regroupés tous les élèves. Ce serait, à mon avis, niveler par le bas le système d’éducation établi. On ne résout pas un problème en détruisant un système qui fonctionne bien pour quatre jeunes sur dix.

De ce fait, il est primordial d’outiller les écoles « régulières » des services d’orthopédagogues, d’orthophonistes, de psychologues et de travailleurs sociaux indispensables, grâce auxquels les enseignants pourront œuvrer dans un climat davantage propice à l’acquisition des connaissances de leurs élèves.

Ensuite, compte tenu que les parents des jeunes qui fréquentent l’école publique « régulière » sont souvent limités en terme de revenus, et que les activités prévues dans les programmes particuliers coûtent des frais relativement élevés, le ministère de l’Éducation pourrait prévoir des crédits versés aux familles concernées par un manque de liquidité, et ainsi permettre aux jeunes de se valoriser dans telle ou telle activité, ce qui, indubitablement aurait des répercussions sur leurs résultats scolaires et sur le sentiment d’appartenance à leur école.

Enfin, selon le psychologue et spécialiste en réussite et en adaptation scolaire, Égide Royer, le fait d'avoir des difficultés en lecture ou en mathématiques n'empêche pas d’avoir des goûts particuliers ou des habiletés que l'on peut développer en musique et en sport.

Article paru dans Le Journal du 25 octobre et entrevue avec Philipe-Vincent Foisy de QUB-Radio

https://www.journaldequebec.com/2022/10/25/lecole-a-trois-vitesses-une-realite-preoccupante

Le Journal "Faites la différence" (version internet) 25 octobre 2022
vigile.quebec tribune libre 25 octobre 2022

Trouble du déficit de l’attention: identifier d’abord les causes

10 octobre 2022

Je me souviens, lorsque j’étais élève au primaire, de certains de mes camarades de classe dont l’attention laissait pour le moins à désirer, plus intéressés qu’ils étaient à perturber le groupe-classe qu’à suivre les explications de l’enseignant qui tentait tant bien que mal de ramener les dissidents à l’ordre.

Plus tard, lorsque je suis devenu enseignant au début des années ’70, confronté à ce type d’élèves, j’ai eu à faire face à ces situations perturbatrices mais, cette fois-ci, de l’autre côté de la clôture.Toutefois, à cette époque, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) n’avait pas encore fait son apparition sur les bancs d’école de telle sorte que j’ai dû développer des approches adaptées à ce genre d’élèves super-actifs, notamment des rencontres avec eux et/ou avec leurs parents pour tenter de scruter quelles pouvaient être les causes de ces comportements pour le moins inappropriés.

TDAH et surdiagnostic

Parmi la documentation volumineuse que j’ai consultée sur le phénomène du TDAH, je retiens que la pression exercée par l’école à ce chapitre, conduit souvent à un surdiagnostic entourant le TDAH. Les élèves turbulents ou en difficulté de toutes sortes de l’époque pas si lointaine où j’enseignais (1971-2003) sont devenus aujourd’hui des élèves souffrant du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité nécessitant ipso facto des médicaments. Autrement dit, le TDAH est devenu la réponse toute faite d’avance lorsque l’enseignant est confronté à un élève distrait et/ou super-actif, et la médication, la solution adéquate.

Pour enrayer ce phénomène de surdiagnostic, je me rallie entièrement à la plupart des experts qui s’entendent pour développer une stratégie concertée entre l’équipe-école, la famille et le réseau de la santé afin de réduire la consommation de psychostimulants, tel le Ritalin, chez les enfants éprouvant des problèmes aigus de comportement, notamment d’attention, au lieu de sauter à pieds joints sur une médication qui n’est peut-être pas pertinente, voire contre-indiquée, pour certains élèves.

Utilisation abusive du Ritalin

Selon les données de plusieurs études scientifiques, les Québécois, particulièrement des jeunes de niveaux primaire et secondaire, consomment annuellement quelque 40 millions de comprimés de méthylphénidate, une famille de médicaments dont fait partie le Ritalin, ce qui confère au Québec le titre peu enviable de « champion du Ritalin » au Canada.

Or, il semble qu’une des causes premières du TDHA soit liée à un problème d’adaptation des jeunes aux différents agents stresseurs auxquels ils sont confrontés quotidiennement de nos jours. À mon sens, la consommation de Ritalin par ces jeunes ne contribue qu’à poser un cataplasme sur leur comportement sans s’attaquer aux véritables problèmes qui causent leur « déficit de l’attention ».

Prudence oblige

De nombreux chercheurs avancent l’hypothèse que plusieurs intervenants auprès des jeunes semblent parfois confondre la maturation normale de l’enfant avec un problème de comportement. Loin de prétendre nier l’existence du TDAH, ces chercheurs font ressortir toutefois que les intervenants ont souvent tendance à assimiler au TDAH la réaction normale des jeunes à la pression scolaire, aux difficultés de leurs parents, à un récent déménagement, à une peine d’amour ou à tout autre agent stresseur auquel la société les soumet.

De surcroît, les recherches démontrent une inquiétude pour la santé des jeunes, les effets à long terme de l’utilisation du Ritalin n’étant pas suffisamment documentés. Forts de ces observations inquiétantes, peut-être aurions-nous avantage à user de prudence et à prendre en compte le degré de maturation des enfants avant de conclure sans preuve tangible à un diagnostic malheureusement souvent trop hâtif de TDAH.

vigile.quebec tribune libre 9 octobre 2022

Vieillir à la maison

8 octobre 2022

À l’âge vénérable de 75 ans, je réalise de plus en plus que mes forces physiques et ma capacité de concentration s’amenuisent petit à petit. Par ailleurs, je regarde autour de moi et je me sens choyé de pouvoir vivre dans un décor qui m’est familier et dans lequel je peux encore jouir de la vie. Mais jusqu’à quand pourrai-je en bénéficier? Une question qui me turlupine les méninges. Qu’arrivera-t-il de moi lorsque mon corps et mon esprit ne pourront plus suivre le rythme de la vie moderne? Dans ces moments-là, j’ai peine à imaginer que je terminerai ma vie dans un CHSLD.

Or, dans sa croisade entamée depuis maintenant 35 ans, l’ancien ministre de la Santé et des Services sociaux sous le gouvernement de Pauline Marois, le Dr Réjean Hébert, le crie et le répète sur tous les toits, le gouvernement du Québec doit revoir complément le financement de ses établissements de santé et prioriser les soins à domicile devant la réalité d’une population de plus en plus vieillissante. À titre d’illustration, seulement 14 % du budget consacré aux soins de longue durée est consacré aux soins à domicile et 86 % aux CHSLD, alors que dans des pays comme le Danemark, par exemple, c’est presque l’inverse avec 75 % du budget pour les soins à domicile et 25 % pour l’hébergement.

Aujourd’hui, la plupart des personnes âgées qui se dirigent vers les résidences pour personnes âgées (RPA) le font parce qu’ils craignent de manquer de soins s’ils demeurent à la maison. Je devrai un jour être confronté à une situation aussi déchirante. Je souhaite de tout cœur que, d’ici là, les ressources nécessaires seront investies par le gouvernement pour des soins à domicile de qualité, et que je pourrai vieillir paisiblement mes dernières années à la maison dans un climat sécuritaire et serein.

vigile.quebec tribune libre le 4 janvier 2022
Le Soleil « Point de vue » le 8 janvier 2022
Le Journal « Faites la différence » le 9 janvier 2022
Le journal Métro le 10 janvier 2022

Les ados, ces incompris

8 octobre 2022

La crise d’adolescence, voilà une réalité qui cause bien des maux de tête aux intervenants qui sont confrontés aux comportements souvent déroutants de la part des adolescents, notamment les parents et les enseignants. Parmi les manifestations de cette crise, on ne peut passer sous silence le braquage des ados contre toute forme d’autorité qui viendrait brimer leur liberté. Aussi ai-je cru opportun de vous exprimer quelques voies d’accès que j’ai explorées durant mes quelque trente années d’expérience dans des classes de troisième secondaire, et qui pourraient vous permettre d’entrer en communication avec les ados sans coup férir.

Une main de fer dans un gant de velours

Durant ma carrière en enseignement, il m’a été donné de rencontrer sur mon chemin de jeunes débutants qui avaient décidé d’adopter une position d’égalité avec leurs élèves dans l’intention d’établir une relation plus harmonieuse avec eux. En réalité, le contraire se produisait immanquablement, les élèves ayant vite adopté une attitude «amicale» avec leur professeur.

Or, le professeur n’est pas un ami pas davantage qu’un parent envers son enfant. Qu’on le veuille ou non, une ligne infranchissable doit être établie afin d’établir l’autorité indispensable pour créer un climat propice à l’apprentissage ou à l’éducation à la maison. Et pour ce faire, l’enseignant comme le parent doivent intervenir avec une main de fer dans un gant de velours, à savoir avec cohérence et souplesse. En termes clairs, permettre le droit à l’erreur de la part de l’ado.

La mise en évidence des talents

Combien de fois dans ma carrière ai-je entendu un ado se traiter de «poche» et qu’il n’excellait dans aucune activité touchant autant le domaine scolaire que les loisirs. Dans ces occasions, je rencontrais l’élève dans mon bureau et je lui expliquais qu’il était impossible qu’il n’ait aucun talent et qu’il n‘avait qu’à chercher pour arriver à le découvrir.

À titre d’exemple, je me souviens d’un élève démobilisé qui était devenu à la fin de son secondaire un des meilleurs joueurs de badminton de l’équipe qui représentait l’école dans des compétitions interscolaires. Lors du bal des finissants, deux ans plus tard, il m’a remercié pour cette rencontre qui avait changé toute la dynamique de sa vie, notamment sur le plan de la confiance en soi. En bref, je lui avais donné la p’tite tape dans le dos qu’il lui fallait pour se lancer dans la vie.

Garder contact

L’attitude souvent arrogante de certains ados vis-à-vis les personnes en ligne d’autorité, parents ou enseignants, peut inciter les intervenants à adopter parfois la ligne dure et ainsi couper les ponts avec l’adolescent, une position qui ne fera qu’aggraver la situation. Quoiqu’il soit parfois ardu de garder le contact avec l’ado, je suis d’avis que c’est la seule voie qui conduira à la réconciliation.

À cet effet, je me souviens d’une mère qui me racontait, lors d’une rencontre avec les parents, qu’elle était complètement découragée de l’attitude de son garçon qui se rebiffait au moindre de ses conseils. Elle avait adopté le silence pour se protéger. Je lui conseillai plutôt de garder contact avec son ado à défaut de quoi aucun rapprochement ne serait possible. J’ai rencontré cette mère quelques années plus tard . Elle était rayonnante et ne tarissait pas de remerciements eu égard au conseil que je lui avais donné. Sa relation avec son fils avait changé pour le mieux grâce aux compromis qu’ils avaient établis entre eux.

Les ados et les règles de conduite

De tout temps, les ados se sont braqués contre toutes règles de conduite, que ce soit à l’école ou à la maison. À ce sujet, au début de chaque année scolaire, j’avais pris l’habitude d’expliquer à mes élèves les raisons qui justifiaient l’établissement de ces règles, la plus importante à mes yeux étant le respect envers les personnes et les objets.

Ainsi, à la fin des cours, des élèves prenaient l’habitude de lancer des bouts de papier en direction de la poubelle, et bien souvent, le dit papier atterrissait à côté de la poubelle. «Rien de grave, quelqu’un est payé pour le ramasser». «Pas du tout, répondais-je, l’employé à l’entretien ménager est payé pour vider la poubelle, et cet employé mérite le respect au même titre que tout employé de l’école.»

Conclusion

La crise d’adolescence est là pour rester. Toutefois, ses effets peuvent être atténués si, en tant qu’intervenants, nous allons puiser les richesses enfouies dans chacun des ados qui sont des humains à part entière malgré des apparences qui ne sont que temporaires dans leur vie. Aussi faut-il rester en contact avec eux pour le plus grand bien de leur évolution dans la société.

vigile.quebec tribune libre le 26 juillet 2022
Le Journal le 31 juillet 2022

La relation maître/élève, fil conducteur d’une saine communication

8 octobre 2022

Dernièrement, j’ai fait la connaissance d’un jeune enseignant lors d’une rencontre d’Anciens de mon alma mater qui me faisait part de ses difficultés d’ordre disciplinaire avec quelques-uns de ses élèves. « Ce sont toujours les mêmes qui dérangent le groupe, j’ai beau les avertir de se taire, voire les expulser du cours, ils recommencent toujours le même manège », me confia-t-il.

Retour en arrière

Il n’en fallait pas davantage pour que je me transporte dans le passé, au moment où je suivais des cours de didactique à l’université, lesquels devaient me préparer à devenir un « bon » enseignant. Malheureusement, ces cours « magistraux » sur l’histoire de la didactique ne m’ont été d’aucune utilité lorsque je rencontrai mes premiers élèves au début de ma carrière.

Par bonheur, ces cours offraient aussi des stages dans les écoles où un professeur avait accepté d’agir comme tuteur en nous permettant, dans un premier temps, d’assister à ses cours et, dans un deuxième temps, de donner quelques cours en présence du maître de stage. Sans l’ombre d’un doute, ce sont ces stages pratiques qui m’ont vraiment initié à l’enseignement en plongeant au coeur de la profession.

L’enseignement, une question de communication

Plus tard, au début de ma carrière, j’appréhendais le premier contact avec « mes » élèves. Ce n’était pas le contenu de mon cours qui m’inquiétait, c’était les outils pédagogiques que je devais utiliser pour le communiquer à mes élèves qui me trituraient les méninges.

J’ai d’abord essayé l’approche qui m’apparaissait la plus efficiente, à savoir qu’au son de la cloche, les élèves devaient prendre leur place rapidement et qu’aussitôt, j’entamais le contenu du cours. Mais je me suis vite rendu compte que cette approche ne fonctionnait pas, la plupart des élèves n’étant tout simplement pas attentifs à ce que je tentais de leur communiquer.

Puis, l’expérience aidant, je me suis mis à laisser plus de temps aux élèves pour mieux se disposer à l’écoute, mais surtout pour me permettre de créer la communication avec eux en leur expliquant, par exemple, quelle sera l’utilité du prochain cours sur l’apprentissage de leur langue. En bref, j’avais appris que l’acte d’enseigner présuppose la création d’un canal de communication avec les élèves si j’espérais que le message se rende aux oreilles de mes élèves.

Garder ses distances avec les élèves

Avec les années, de nouveaux professeurs sont venus se greffer à notre équipe, certains s’acclimatant bien au métier d’enseignant, d’autres, par contre, commettant l’erreur d’adopter le style familier avec leurs élèves, dans l’espoir, en agissant ainsi, de créer un climat détendu dans leurs classes.

Erreur! Petit à petit, les élèves sont devenus les « chums » de l’enseignant et vice versa. La nécessaire distance entre les élèves et l’enseignant s’est effritée, si bien que l’enseignant perdit peu à peu le contrôle de ses classes jusqu’à devenir, à son grand désarroi, la risée de ses élèves.

Amener les élèves timides à poser des questions 

Il y a toujours eu et il y aura toujours dans chaque groupe d’élèves des tempéraments plus timides qui n’oseront jamais posé des questions de peur de faire rire d’eux par les « leaders » du groupe auprès desquels je m’empressais d’intervenir illico et sans ménagement.

Aussi avais-je pris l’habitude, dès le début de l’année et occasionnellement en cours d’année, d’inviter les élèves qui avaient des questions, et qui ne se sentaient pas à l’aise pour les poser ouvertement, à venir me rencontrer à la fin du cours ou à mon bureau en fin de journée. De cette façon, j’ai pu récupérer une pléiade d’élèves qui seraient demeurés sans réponse eu égard à une notion du contenu de cours et qui auraient accumulé des retards indus eu égard à une notion quelconque.

L’enseignement, une vocation

Régulièrement au cours de ma carrière d’enseignant, je me faisais interpeller par un curieux qui se demandait comment je faisais pour avoir la patience d’« endurer » 35 adolescents pendant une heure et ce, tout au cours de l’année scolaire.

Je lui répondais qu’il faut d’abord et avant tout aimer les jeunes et les respecter tout en établissant un code de conduite propice à l’apprentissage. J’ajouterais qu’on ne devient pas enseignant, mais que l’on naît avec les talents nécessaires pour faire carrière dans cette profession. Enfin, j’ai de plus en plus la certitude que l’enseignement est une vocation, dans le sens « d’être appelé ». J’irais même jusqu’à dire, selon mon expérience personnelle, qu’on ne choisit pas l’enseignement, mais que c’est l’enseignement qui nous choisit.

vigile.quebec tribune libre le 14 août 2022