La liste noire de Harper
Après les tristes épisodes de nominations de hauts fonctionnaires fédéraux unilingues anglophones et sa position en faveur de l’abolition du registre des armes d’épaule et de la destruction des données des années antérieures, le gouvernement conservateur continue d’ajouter de l’huile sur le feu.
Dans la saga des mesures rétrogrades de ce gouvernement, vient maintenant se greffer le retour aux symboles monarchiques caducs que suscitent les célébrations entourant le 60e anniversaire de l’accession au trône de Sa Majesté, la reine du condominium canadian Elizabeth II.
Pour l’occasion, soixante citoyens canadiens ont reçu en primeur la première fournée de la médaille du jubilé de diamant au cours d’une cérémonie tenue à Rideau Hall, en présence du premier ministre Harper et du gouverneur général, David Johnston. Selon notre représentant de la reine, les gagnants « représentent une mosaïque d’expériences et de réalisations individuelles. Tout comme Sa Majesté, ils inspirent les autres à répondre à l’appel du devoir ». C’est là l’objectif global de ce programme de médailles qui fera toutefois une place prédominante au domaine militaire.
Et, tant qu’à nous raccrocher au temps passé, pourquoi ne pas relancer le débat sur l’avortement ? De la même manière que Harper s’est servi habilement des positions de Pierre-Hugues Boisvenu comme paravent concernant le durcissement des mesures envers les criminels, c’est maintenant au tour du député conservateur de Kitchener Center, Stephen Woodworth, de servir de bouclier à son premier ministre dans l’épineux dossier de la reconnaissance du fœtus à titre d’être humain, ce qui aurait pour effet pervers de qualifier d’homicide toute action provoquant la mort d’un fœtus.
Même si la motion visant à reconnaître qu’un bébé non encore né est un être humain a été attaquée par le gouvernement qui affirme ne pas vouloir rouvrir le débat sur l’avortement, Harper ne s’engage toutefois pas à forcer ses députés à battre cette motion, un fort contingent de députés conservateurs étant, de surcroît, d’allégeance pro-vie (je gagerais un 2$ sur le fait que Harper fasse partie de ce clan !…). De toute façon, le vote aura quand même lieu puisque la motion de M. Woodworth a été officiellement déposée. Et, dans la triste éventualité où elle était adoptée par la Chambre des communes, elle mènerait à la création d’un comité devant entendre des experts et déterminer s’il faut modifier les règles à ce chapitre.
Enfin, pour compléter la liste des ingrédients de ce cocktail explosif, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, s’est retrouvé dans l’eau chaude cette semaine lorsque la Presse canadienne a obtenu, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, une lettre de Vic Toews adressée au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Richard Fadden. Dans cette lettre datée du 7 décembre 2010, le ministre réitère la position canadienne par rapport à la torture, soit que « le SCRS ne doit pas s’appuyer, en toute connaissance de cause, sur des informations obtenues sous la torture ».
Toutefois, nuance non-négligeable, il ajoute:
« Dans des circonstances exceptionnelles où il existe une menace à la vie humaine ou la sécurité publique », cette consigne n’aurait pas besoin d’être suivie parce qu’« ignorer cette information seulement à cause de sa source représenterait un risque inacceptable à la sécurité publique ». Il donne donc une consigne claire : « Dans des situations où un risque à la sécurité publique sérieux existe et où des vies sont peut-être en jeu, je m’attends et donc j’ordonne au SCRS de faire de la protection de la vie et de la propriété son principe premier et de partager les informations nécessaires, décrites et qualifiées de manière adéquate aux autorités appropriées. »
Une façon indirecte et pour le moins subtile pour Harper (encore lui !…) de donner l’ordre à son agence d’espionnage de ne pas écarter des informations obtenues sous la torture dans des « circonstances exceptionnelles » où des « vies sont en jeu ». Bref, un recul qui nous ramène à la barbarie !
Mépris outranciers du respect des deux langues officielles, retour scandaleux des symboles monarchiques rétrogrades, relance anachronique du débat sur l’avortement et, pour couronner le tout, ouverture possible à l’utilisation d’informations obtenues sous l’influence de la torture.
Devant une scène aussi horrible et grotesque, vous ne croyez pas qu’il est plus que temps que le Québec sorte de ce merdier de gouvernement majoritaire conservateur qui, est-il utile de vous le rappeler, en est à ses débuts de mandat ?
En terminant, je vous laisse sur cette lettre de Rollande Boivin parue dans le Devoir du 9 février sous le titre « Une grand-mère indignée » :
« Que fait-on lorsqu’un administrateur puise dans les fonds publics pour s’acheter des médailles ? Non pas pour un ou deux dollars, non. Pour des millions de dollars.
Que fait-on quand il achète des avions pour jouer à la guerre ? Que fait-on quand il dit que les vieux coûtent trop cher et qu’il faut réviser leur pension ? Dites-moi, que peut-on faire ? »
vigile.net tribune libre 9 février 2012
quebechebdo 10 février 2012 (version abrégée)