Que veut le Québec?
À partir de 1963, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme tente de dresser un tableau de la réalité canadienne. Pendant six ans, les membres la commission Laurendeau-Dunton sillonnent le pays, rencontrant politiciens, hommes d’affaires, universitaires et simples citoyens. Il en résulte un rapport en six volumes et la Loi sur les langues officielles.
Tout au long des travaux de la Commission, ses membres se trouvent confrontés à la montée du nationalisme québécois et à l’incompréhension des autres provinces face à ce mouvement de colère des Québécois. Il n’en fallait pas davantage pour que les Canadiens anglais se demandent « what does Quebec want » ?
Quarante-trois ans plus tard, dans sa chronique du 4 janvier 2012 parue dans le quotidien 24h sous le titre « Un pays, un jour », Mathieu Bock-Côté s’exprime en ces termes :
« La vie des peuples est faite de paradoxes. Car si jamais l’indépendance n’a paru aussi éloignée, jamais elle n’a été aussi nécessaire. Le Canada anglais se durcit à notre égard. Mais sur l’essentiel, ce sont deux pays qui s’affrontent. Le Canada anglais redécouvre son identité. Au même moment, il nie la nôtre. On le voit avec les bibelots monarchistes que ressortent partout les conservateurs. Ou avec la nomination décomplexée d’unilingues anglophones aux sommets de l’État.
Dans ce pays, nous sommes appelés à nous folkloriser. Et la question n’est pas de savoir si on est bien ou mal gouverné. La question est de savoir si on se gouverne soi-même. C’est à ce moment que les Québécois décident paradoxalement de tourner le dos à la question nationale. »
Dans cet univers paradoxal où évolue le peuple du Québec actuel, le « what does Quebec want ? » du rest of Canada des années ’60 semble vouloir se retourner contre lui et se franciser en un « que veut le Québec ? » auquel il se doit de répondre de toute urgence.
Est-ce que les Québécois désirent demeurer une province au sein du Canada ? Est-ce qu’ils aspirent à devenir un pays ? Ou est-ce qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent vraiment ? Sommes-nous en train, en tant que souverainistes, de prêcher dans le désert ? Sommes-nous déconnectés de la réalité d’aujourd’hui ?
Comment se fait-il, qu’au moment où les « conditions gagnantes » nous sont offertes sur un plateau d’argent par un gouvernement central mesquin et méprisant envers notre identité francophone, que la cote de la souveraineté n’arrive pas à remonter dans les sondages ? Est-ce que le PQ est le seul responsable de cette valse-hésitation ? Pourquoi les Québécois sont-ils attirés par le retour dans le passé proposé par la CAQ ? Existe-t-il une énigme que nous n’avons pas encore résolue ?
Toutes des questions qui demeurent encore aujourd’hui sans réponses…« Que veut le Québec ? » Peut-être est-il temps de le demander aux citoyens du Québec !
vigile.net tribune libre 18 janvier 2012
quebechebdo 19 janvier 2012
Commentaire:
"Vous posez là une question très pertinente à laquelle il n’y a pas de réponse facile. J’avancerai cependant que, de mon humble point de vue, les révolutions ou grands changements de société ont toujours été faits sur fond de crise, crise économique au premier chef. Le mouvement souverainiste est lui-même né à l’époque de "nègres blancs d’Amérique". Or, si l’on examine de près la situation économique du Québec, force est de reconnaître que le Québec ne connaît pas présentement une situation de chômage, de sans-emploi ou autres qui amènerait la population à sortir dans la rue pour réclamer des changements de politiques ou de régime. J’ai plutôt l’impression, pour reprendre le titre d’un livre du grand économiste américain John Kenneth Galbraith, que le Québec ressemble plutôt présentement à une " république des satisfaits", où y règne une forme de "culture du contentement". On ne voit plus les syndicats dans la rue, pas plus les agriculteurs, encore moins les grandes corporations professionnelles, pas beaucoup plus les étudiants qui semblent aussi généralement satisfaits de leur sort. Et, pour aller dans le sens de la théorie de Maslow, les besoins physiologiques de base étant globalement satisfaits, ainsi que ceux de sécurité, peu de gens sentent vraiment le besoin de sortir de leur confort relatif pour virer le monde à l’envers."
Yves Rancourt
vigile.net tribune libre 18 janvier 2012