La descente aux enfers
Le 16 avril 2011, lors du 16ième congrès du Parti québécois, Pauline Marois obtient un vote de confiance de 93,08% de la part des quelque 1700 participants.
« Nous nous dirigeons vers une victoire, une victoire qui pourra avoir des conséquences absolument formidables pour le Québec, lance-t-elle, émue, sur la scène du congrès. Ma victoire, c’est votre victoire. C’est la victoire d’un parti uni, d’un parti solidaire, d’un parti qui a le goût de proposer au peuple du Québec que nous nous donnions un pays. »
Moins de soixante jours plus tard, le parti « uni et solidaire » vit l’une des pires crises de son histoire. Trois de ses ténors, Louise Beaudoin, Lisette Lapointe et Pierre Curzi quittent le bercail le 6 juin, suivis du député de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Haussant, le lendemain, ce dernier montant d’un cran sa critique envers son chef en lui suggérant de « penser à la souveraineté d’abord » et de démissionner, alléguant que « la souveraineté va se faire avec quelqu’un d’autre. »
Bien sûr, la question fondamentale réside dans les raisons qui ont conduit à une telle descente aux enfers dans un laps de temps aussi court. En ce qui a trait aux événements qui ont entouré le projet de loi privé 204, tous conviennent, y compris les quatre démissionnaires, qu’ils ne peuvent représenter un dossier assez important pour causer un tel cataclysme. Ces événements auront contribué tout au plus de prétexte pour faire déborder le vase qui déjà avait atteint son niveau de tolérance maximum avant que la saga sur l’amphithéâtre n’occupe toute la scène politique québécoise.
Si on se fie aux déclarations des députés démissionnaires, il semblerait que le nerf de la guerre se situe au niveau du style de leadership de Pauline Marois, jugé trop directif par certains députés du caucus péquiste. Reliée à cette attitude, ressort la ligne de parti, critiquée pour son caractère sclérosant, muselant les députés dans leurs opinions et leurs convictions jusque dans leurs votes à l’Assemblée nationale. À cette critique, Pauline Marois rétorque qu’elle écoute les membres de son caucus mais qu’en bout de ligne, quelqu’un doit prendre la décision, en l’occurrence, la chef du parti, conseillée par ses proches collaborateurs.
À mon sens, le nœud du problème réside dans ce dilemme entre le processus de consultation et le processus de décision, une démarche qui demande du tact de la part du leader et de la maturité de la part de ceux qui doivent se rallier à une décision vis-à-vis de laquelle ils sont en désaccord. Toutefois, cette démarche de consultation demeure essentielle dans tout organisme qui respecte les principes de base de la démocratie. Quant à la sacro- sainte ligne de parti, elle ne devrait, en aucun temps, brimer la liberté de parole des députés, encore moins leur vote au moment de la présentation d’un projet de loi à l’ANQ.
Je ne connais pas les qualités personnelles de Mme Marois pas plus que ses défauts. Toutefois, il me semble évident qu’elle possède une force de caractère remarquable et une détermination manifeste…une détermination qui pourrait être associée parfois à de l’entêtement. Néanmoins, pour avoir reçu un vote de confiance aussi élevé de la part des participants au congrès du 16 avril 2011, j’imagine qu’elle possède aussi le leadership nécessaire pour conduire ses troupes à la victoire lors des prochaines élections. Compte tenu de ces atouts indispensables à tout chef de parti politique, saura-t-elle rallier ses ouailles et surtout, pourra-t-elle conduire le peuple québécois à son indépendance ? En dernière heure, nous apprenons que Mme Marois fait amende honorable en s’excusant de ne pas avoir consulté son caucus sur le projet de loi privé 204…trop peu, trop tard? Des questions qui demeurent pour l’instant sans réponses!
vigile.net tribune libre 8 juin 2011
cyberpresse.ca 13 juin 2011