Stéphane Hessel: la confiance dans l’évolution

Stéphane Hessel, l'auteur du manifeste vendu à des millions d'exemplaires à travers le monde Indignez-vous!, est mort mercredi le 27 février à l'âge de 95 ans. Cet ex-diplomate français et survivant de la Seconde Guerre mondiale considéré comme le «père» du mouvement Occupons aura mis en pratique ce qu'il prêchait jusqu'à son dernier souffle.

Né le 20 octobre 1917 à Berlin, arrivé en France à 7 ans, Stéphane Hessel était le fils de Franz et Helen Hessel, née Grund, qui inspireront, avec l'écrivain Henri-Pierre Roché, le trio Jules et Jim porté à l'écran par le cinéaste français François Truffaut.

Naturalisé en 1937, reçu à l'école d'élite française Normale Supérieure en 1939, Stéphane Hessel, qui parlait allemand, français et anglais, représentait l'incarnation de l'intellectuel européen.

Mobilisé en 1939, fait prisonnier, il s'était évadé et avait rejoint le général De Gaulle à Londres. Envoyé en France en 1944, il avait été arrêté et déporté à Buchenwald, où il avait maquillé son identité pour échapper à la mort. Après une nouvelle évasion, il avait réussi à rallier les troupes américaines pour arriver à Paris en mai 1945.

À la Libération, il avait rejoint le secrétariat général de l'ONU, participé en tant que secrétaire à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et avait entamé une carrière de diplomate qui allait le conduire au Vietnam et à Alger.

Élevé à la dignité d'ambassadeur de France par François Mitterrand en 1981, Stéphane Hessel avait alors milité pour les immigrés sans-papiers et pour les Palestiniens, ce qui lui avait valu les vives critiques des associations juives.

«Je tire de mon "vieil âge" la confiance dans l'évolution, peut-être trop lente, peut-être quelquefois décevante, mais toujours possible», avait confié le corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en entrevue au Soleil en décembre 2011.

Avec humilité, Stéphane Hessel refusait cependant catégoriquement de s'attribuer la paternité du mouvement. Il répétait que son livret était simplement arrivé au bon moment alors qu'il s'adressait en premier lieu à ses compatriotes «léthargiques» afin qu'ils cessent de s'attarder à leur nombril et qu'ils endossent des causes plus nobles.

À la retraite depuis 1983, Stéphane Hessel avait poursuivi son combat contre les injustices par des publications de manifestes et appels, à commencer par le célèbre Indignez-vous! en octobre 2010.

Cet opuscule de 32 pages, appelant à une «insurrection pacifique», a été vendu à quelque 4,5 millions d'exemplaires dans 35 pays. Il a accompagné les soulèvements populaires contre les régimes dictatoriaux arabes. En Occident, le terme d'«indignés» a été repris par des manifestants en France, Espagne, Grèce, et jusqu'à New York où il a inspiré le mouvement Occupy Wall Street.

Interrogé en mars 2012 par l'AFP, Stéphane Hessel disait «s'étonner» encore de ce succès en ajoutant: «Cela s'explique par un moment historique. Les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s'en sortir et cherchent un sens à l'aventure humaine».

En 2011, l'intellectuel avait récidivé en publiant Engagez-vous! un livre d'entretiens ainsi qu'un appel contre l'arme atomique dansExigez! Un désarmement nucléaire total. Et l'an dernier, il avait sorti en France Déclarons la Paix! Pour un progrès de l'esprit, reprenant des entretiens avec le dalaï lama.

En France, plusieurs personnalités ont salué sa mémoire. «Sa capacité d'indignation était sans limites, sauf celle de sa propre vie. Au moment où celle-ci s'achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice», a réagi le président François Hollande dans un communiqué. Quant au maire de Paris, Bertrand Delanoë, il a notamment rendu hommage à «l'humaniste authentique, le résistant indomptable et le penseur généreux» qui «manqueront terriblement à notre pays».

À Bruxelles, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a salué dans un tweet «le grand Européen, toujours engagé, jamais satisfait, mû par un esprit de combat et de liberté».

quebechebdo 28 février 2013
vigile.net tribune libre 28 février 2013

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