Un grand Québécois dont il fait bon se souvenir
Il y a de ces femmes et de ces hommes disparus dont le souvenir remonte périodiquement à la surface de la conscience collective d’un peuple. Gérald Godin incarne un de ceux-là. Une de ses citations, empreinte d’une fraîcheur poétique envoûtante, parue en haut de page de la tribune libre de Vigile récemment, m’a littéralement allumé par le choix de mots de son auteur et le message d’espoir qu’elle véhicule :
« Dans la grande famille des mots je m’en choisis pour passer l’hiver des mots en laine du pays cette année j’ai choisi le mot guérison le mot liberté des mots qui tiennent bien au chaud »
À titre de rappel, j’ai cru opportun de présenter ces quelques notes biographiques que j’ai pu glaner ici et là. Gérald Godin est d’abord journaliste au Nouvelliste de 1958 à 1963. Il s’établit ensuite à Montréal où il est longtemps recherchiste à Radio-Canada. Il travaille aussi pour le magazine Maclean de 1963 à 1969 puis pour Québec-Presse à titre de directeur de l’information de 1969 à 1973 et comme directeur général intérimaire à partir de 1973 jusqu’en 1974. Pendant cette période, Godin est victime des arrestations arbitraires pendant la crise d’octobre de 1970. Il enseigne à l’UQAM à titre de chargé de cours. Il quitte l’enseignement en 1976 au début de la grève des enseignants en devenant candidat du Parti québécois dans la circonscription de Mercier où il défait le Premier ministre du Québec Robert Bourassa à l’élection de 1976. À partir de 1979, Gérald Godin occupe la fonction d’adjoint parlementaire du Ministre des affaires culturelles puis du Ministre de la justice avant de devenir Ministre de l’immigration en 1980. Réélu en avril 1981, il est nommé Ministre des communautés culturelles et de l’immigration et membre du Conseil du trésor. De 1982 à 1983, il est Ministre responsable de l’application de la Charte de la langue français avant de devenir Ministre délégué aux affaires linguistiques en 1984. Réélu en 1985, il fait partie de ceux qui ont convaincu Pierre-Marc Johnson de quitter le parti et Jacques Parizeau d’y revenir. Réélu à l’élection de 1989, il est remplacé à titre de candidat en 1994, alors qu’il continue de se battre contre un cancer au cerveau qui a raison de lui le 12 octobre de cette même année.
Dès la sortie en salle du film « Godin » du réalisateur Simon Beaulieu en 2011, les critiques sont unanimes en ce qui concerne les qualités humaines et les convictions inébranlables de Gérald Godin pour la cause de l’indépendance du Québec.
À ce effet, en fouillant dans la rubrique « Biographies » de Vigile, j’ai découvert deux articles publiés sur cette tribune et qui rendent admirablement bien la grandeur du poète-député. En voici quelques extraits :
« En ces jours où on parle de courage et de gens qui se renient et qui renient leurs convictions, Godin le film arrive à point nommé. Quelle confiance que Godin démontre dans le peuple québécois quand, devant une foule nombreuse, il proclame, « Sans vous, je ne suis rien. Avec vous, nous pouvons tout ! » Et de se rappeler comment il a sonné la charge contre Pierre-Marc Johnson : Assez, c’est assez, disait-il, les REA, les RÉER, les MBA – un peu de contenu s’il vous plaît. Quelle leçon de courage de le voir se battre avec conviction pour l’indépendance malgré une maladie affligeante jusqu’aux derniers jours de sa vie. Quel effet tonique de le voir refuser le cynisme politique ambiant et de garder vivants les rêves d’un peuple, plutôt que de succomber au cynisme et de mettre les rêves de côté — tout en demandant à tout le peuple de faire pareil — car, semble-t-il, seulement 45% seraient prêts à voter pour l’indépendance. » Robin Philpot « Godin, le film : un puissant antidote à la pensée Legault » 22 février 2011
« Faire le pays du Québec, qu’ils sont beaux les mots qui appellent l’indépendance, la liberté lâchée lousse pour tous les habitués du Québec. Qu’il est grand le québécois Gérald Godin. Il connaît l’amour, l’emprisonnement, l’humiliation, la marche avec le monde ordinaire, les randonnées à bicyclette sur les rues et les ruelles du coeur de Montréal appelé le comté Mercier… Gérald Godin porte le Québec en lui, solidement ancré. Il est comme un terminus d’autobus où tous les gens se croisent pour un départ, une arrivée. Son regard, la posture de son élégant et grand corps, son écoute, lui ouvrent tous les coeurs des personnes qu’il approche… Jusqu’à sa mort en 1994, il travaille en douceur, avec force, avec patience, toujours dans la même direction : pour que le Québec devienne un pays. En le comparant à son chef René Lévesque, Gérald Godin porte le projet de pays avec encore plus de force, de beauté et de vérité. » François A. Lachapelle « Godin, le film » 24 mars 2011
Dans la ligne de ces commentaires, j’ajouterais que Gérald Godin, de par sa sensibilité inhérente à tout poète, a su capter les ondes qui émanaient de l’atmosphère politique du Québec et de la sorte, rejoindre le citoyen au plus profond de son être…Voilà pourquoi, entre autres raisons, Gérald Godin demeurera toujours un grand Québécois dont il fera bon se souvenir tel un phare tout au cours de notre long chemin vers notre indépendance !
vigile.net tribune libre 6 novembre 2012