Pour que le printemps érable survive à la saison morte
En choisissant « la voie de l’affront et de l’incitation au non-respect des injonctions », Gabriel Nadeau-Dubois a gravement porté atteinte à l’autorité de tribunaux, estime le juge Denis Jacques, de la Cour supérieure. Aussi déclare-t-il l’ancien porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) coupable d’outrage au tribunal.
Le jugement sur la requête en outrage au tribunal déposée par Jean-François Morasse a été rendu le 1er novembre et le juge convoque les parties pour le 9 novembre afin qu’elles fassent leurs représentations sur la peine qu’il convient d’infliger à Nadeau-Dubois. Il est passible d’une amende n’excédant pas 50 000 $ avec ou sans emprisonnement pour une durée d’au plus un an.
Toute cette saga résulte du conflit étudiant de ce printemps au cours duquel Jean-François Morasse avait obtenu une injonction lui permettant d’avoir libre accès aux salles de cours de l’Université Laval où étaient donnés ses cours d’arts plastiques. Il avait ensuite perçu une entrave directe à l’ordonnance dans des propos que Nadeau-Dubois avait tenus sur les ondes de RDI.
En cour, l’avocat de ce dernier a plaidé qu’il n’était pas visé par l’ordonnance et que la preuve ne démontrait pas qu’il en ait même eu connaissance. Or, pour être reconnu coupable d’outrage au tribunal, le juge devait être convaincu hors de tout doute raisonnable qu’il connaissait l’existence de l’ordonnance.
À l’audience, Nadeau-Dubois n’a pas témoigné pour éclairer le juge Jacques sur cette question. Ce dernier estime toutefois que l’avocat du requérant, Me Maxime Roy, est quand même parvenu à faire la preuve requise. L’Association des étudiants en arts plastiques de l’Université Laval avait en effet reçu copie de l’ordonnance d’injonction. Or, l’ASETAP fait partie intégrante de la CLASSE, dont le porte-parole était Gabriel Nadeau-Dubois. Après avoir analysé les propos de celui-ci sur les ondes de RDI, le juge Jacques constate de plus qu’il connaissait pertinemment les injonctions prononcées, dont celle obtenue par Jean-François Morasse.
« On trouve ça tout à fait légitime que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève, et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c’est un moyen tout aussi légitime de le faire », avait alors déclaré le porte-parole de la CLASSE.
Par ses propos, selon le juge Jacques, GND incitait et encourageait les auditeurs à empêcher l’accès aux étudiants à leurs cours… Se disant agir pour le respect de la démocratie, Gabriel Nadeau-Dubois incite au non-respect des ordonnances rendues par les tribunaux, écrit le juge Jacques. Il prône plutôt l’anarchie et encourage la désobéissance civile… S’il avait le droit d’être en désaccord avec les ordonnances des tribunaux, note le juge, Nadeau-Dubois n’avait pas celui d’inciter quiconque à y contrevenir… Le désaccord avec la loi ou avec un ordre de la Cour ne permet pas d’y désobéir, ni d’inciter à le faire. »
En attendant, la défense s’organise… L’ex-porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) a annoncé avoir amassé 58 000 $ pour l’aider à poursuivre son combat devant les tribunaux. Gabriel Nadeau-Dubois a fait savoir dans un communiqué que plus de 1700 personnes l’avaient soutenu financièrement depuis la mise sur pied, vendredi, de son site Internet www.appelatous.org. Même s’il s’est dit « surpris et très touché par ce témoignage de solidarité », M. Nadeau-Dubois a indiqué que son objectif de financement « est encore loin d’être atteint » pour interjeter appel de sa condamnation pour outrage au tribunal.
Par ailleurs, le 4 novembre, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) s’est rangée officiellement derrière l’ancien porte-parole de la CLASSE tout en invitant ses organisations affiliées à le soutenir à son trésor de guerre juridique. La CSN rejoint ainsi Québec solidaire, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la Fédération des enseignantes et enseignants du cégep (FEC-CSQ) parmi les organisations qui ont exprimé leur soutien à Gabriel Nadeau-Dubois.
De son côté, Jean-François Morasse relancera aujourd’hui le site de financement qu’il avait créé au tout début des procédures judiciaires en première instance. « Gabriel Nadeau-Dubois a un site, il est organisé. On va se battre à armes égales », a-t-il révélé aux médias. Malgré les insultes et l’intimidation dont il est victime sur le site de GND, l’étudiant en graphisme ne regrette pas pour autant d’avoir intenté des recours judiciaires contre Gabriel Nadeau-Dubois. « Ça me donne raison d’avoir fait ça, ça confirme qu’il y avait un problème avec l’intimidation, la violence et le respect de la loi. Ça fait juste me motiver à aller jusqu’au bout de l’appel et de la Cour suprême, s’il faut la Cour suprême. Je vais me battre jusqu’au bout ».
En réalité, que Gabriel Nadeau-Dubois ait été ou non informé du contenu de l’ordonnance m’apparaît n’être qu’un « paravent judiciaire » qui dessert les effets pervers de la loi bâillon du gouvernement Charest qui est venue brimer le droit de parole primordial incarné, dans le cas présent, par le droit de grève, reconnu dans les chartes des droits et libertés de la personne.
En conséquence, le gouvernement Marois, qui a démontré, tout au cours du conflit étudiant, son appui au carré rouge, et qui s’est montré congruent dès le début de son mandat en annulant la hausse des droits de scolarité et en annonçant un Sommet sur l’éducation, se doit maintenant d’intervenir, en vertu des pouvoirs législatifs qui lui sont conférés, pour que GND soit lavé de toute forme d’accusation dans cette affaire et que le « printemps érable » ne périsse pas dans les catacombes de la « saison morte » !
vigile.net tribune libre 5 novembre 2012
quebechebdo 5 novembre 2012
cyberpresse.ca 7 novembre 2012 (version abrégée)