Remettons l’école sur ses rails

6 septembre 2024

Créée à la suite de nombreux débats dans les années 1950 et au début des années 1960 portant sur le faible niveau d'instruction et la piètre qualité de la langue française au Québec, la commission Parent s’était donné comme objectifs de «donner à chacun la possibilité de s’instruire, rendre accessibles à chacun les études les mieux adaptées à ses aptitudes et à ses goûts et préparer l'individu à la vie en société».

Plus de soixante ans plus tard, il m’apparaît opportun de se demander ce qu’est devenue l’école d’aujourd’hui eu égard à celle proposée dans le Rapport Parent. Nonobstant le fait que la société ait bien changé depuis lors, et pas toujours pour le mieux, il n’en demeure pas moins que le jeune est demeuré fondamentalement le même être humain à sa naissance.

Société en changements

En revanche, les changements climatiques auxquels le Québec fait face depuis quelques années, tels les chaleurs extrêmes associées aux feux de forêt, les changements drastiques de température liés aux verglas, les pluies diluviennes causant des inondations dévastatrices sont tous tributaires d’un phénomène nouveau apparu récemment chez les jeunes, à savoir l’éco-anxiété qui se manifeste lorsque les conditions climatiques mettent en péril leur survie. Dans cette foulée, le personnel scolaire devra être formé pour répondre adéquatement à ce nouveau phénomène de société chez les jeunes.

De surcroît, l’arrivée de l’intelligence artificielle risque de chambarder considérablement les approches pédagogiques des enseignants, et ceux-ci devront faire preuve de vigilance, notamment au chapitre des évaluations en relation avec les tentatives de plagiats de certains élèves qui pourraient être tentés d’utiliser le robot ChatGPT.

Enfin, la notion de transgenre occupe dorénavant une place considérable dans les médias sociaux fréquentés à outrance chez les jeunes. À cet effet, il m’apparaît essentiel que le lien du jeune avec ses parents soit solidement implanté dans le but de faciliter à profit les échanges trans-générationnels.

École pour tous

Par ailleurs, les dernières négociations des conventions collectives avec le gouvernement ont démontré hors de tout doute que l’école accueillait une clientèle fort diversifiée, une situation qui explique l’hétérogénéité des groupes-classes, la constitution des groupes ayant d’ailleurs été placée en priorité par les enseignants lors des négociations.

Or, si l’on se place dans la perspective du rapport Parent, à savoir de «donner à chacun la possibilité de s’instruire», force est de constater que les élèves à besoins particuliers passent outre cet objectif prioritaire. Les dernières réformes en éducation ont choisi de maintenir ces élèves dans les groupes réguliers, alléguant qu’ils seraient motivés en contact avec les élèves dits réguliers. Or, il faut bien l’admettre, cette stratégie a carrément échoué.

Dans ces circonstances, à mon avis, les élèves à besoins particuliers doivent être regroupés entre les mains de personnel spécialisé, tels les psychologues, les travailleurs sociaux, les orthopédagogues, les orthophonistes, etc… En attendant que la pénurie de main d’oeuvre s’estompe au sein de ce personnel, offrons la gestion de ces groupes à un enseignant volontaire accompagné d’une personne-ressource. Dès lors, l’école sera remise sur ses rails pour le plus grand bien de TOUS les élèves.

vigile.quebec tribune libre le 14 février 2024
Le Journal «Faites la différence» le 3 septembre 2024

Renouer avec l’attractivité de l’enseignement

10 octobre 2023

Si on m’avait dit qu’un jour j’aurais écrit une lettre d’opinion sur le manque d’attrait du métier d’enseignant, je ne l’aurais tout simplement pas cru. Il faut dire qu’à mon époque, soit au début des années ‘70, l’enseignement était reconnu comme une profession vers laquelle se dirigeaient une pléiade de candidats poussés par une envie irrésistible d’offrir leurs services auprès des jeunes du Québec.

Aujourd’hui, les temps ont bien changé, L’enseignement a perdu peu à peu ses lettres de noblesse au détriment d’une tâche de plus en plus lourde et de salaires classés parmi les plus bas par rapport aux autres provinces canadiennes. C’est sans compter les quelque 30 000 enseignants non-légalement qualifiés qui ont la responsabilité d’une classe dans une école du Québec, un phénomène directement lié à la pénurie de main d’oeuvre chez les enseignants.

Une tâche viable

Actuellement, la tâche des enseignants ne peut leur offrir aucune voie pour pouvoir exercer convenablement leur rôle auprès des élèves, soit leur prodiguer des connaissances dans un climat serein et propice à l’apprentissage. La présence des élèves ayant des besoins particuliers dans les groupes dits réguliers amène l’enseignant à intervenir à de nombreuses occasions, privant ainsi les autre élèves du contenu prévu par l’enseignant au cours de cette période. Et pourtant, il existe des professionnels spécialisés, tels les orthophonistes, les psychologues , les travailleurs sociaux etc. qui pourraient venir en aide aux enseignants, mais, là comme ailleurs, sévit une pénurie de personnels.

Face à une situation aussi dramatique, je crois que le ministère de l’Éducation devrait raccourcir le curriculum du personnel spécialisé et leur donner la possibilité d’accomplir des stages dans les classes de telle sorte que les enseignants puissent donner leur contenu de cours prévu aux élèves réguliers. Or il existe une autre stratégie pour minimiser le travail des enseignants ayant des élèves à besoins particuliers, à savoir regrouper ensemble les élèves à besoins particuliers, ce qui, à mon avis, risquerait de créer une situation contre-productive qui pourrait ouvrir la porte toute grande aux décrocheurs.

Un salaire juste et équitable

Les plus récentes données disponibles, soit celles de l’année scolaire 2017-2018, indiquent que les enseignants du Québec sont 11e sur 11 provinces et territoires comparés. Par exemple, pour l’année scolaire 2017-2018, le salaire en début de carrière au Québec atteignait 44 968 $, comparativement à 52 814 $ en Ontario et 51 798 $ au Nouveau-Brunswick. Les enseignants du Québec étaient alors les moins bien payés au pays. Après 15 ans d’exercice, le salaire au Québec atteignait 79 466$, 79 872$ au Nouveau-Brunswick, 97 474 $ en Ontario et 82 600 $ en Colombie-Britannique. En moyenne, les enseignants ayant entre 5 et 10 ans d'expérience gagnaient 16 000 $ de moins que dans le reste du Canada.

Or, dès le début de son premier mandat, François Legault clamait que l’éducation serait sa première priorité. Depuis lors, l’homme d’affaires s’est littéralement tourné vers les dossiers économiques dans lesquels il a injecté des milliards $, laissant la présidente du Conseil du trésor Sonia Lebel en charge de la masse salariale dans le processus de négociation des conventions collectives. Aux dernières nouvelles, le gouvernement offre une augmentation de 9% sur 5 ans, soit une augmentation de 1,8% annuellement, une proposition que je qualifierais de méprisante et qui doit être revue à la hausse pour le plus grand bien de la profession d’enseignant.

Perspective d’avenir

La carrière d’enseignant ne pourra jamais susciter quelque forme d’attractivité tant et aussi longtemps qu’elle portera les écueils de tâches inhumaines et de salaires dérisoires. La pénurie de main-d’œuvre dans le réseau scolaire du Québec a forcé le gouvernement à embaucher plus de 30 000 enseignants non qualifiés, ce qui hypothèque grandement la qualité des cours offerts aux élèves du primaire et du secondaire. Fort des considérations énoncées ci-haut, l’école du Québec est condamnée à niveler par le bas ses exigences au sein de ses programmes et des ressources humaines disponibles. Si le ministère de l’Éducation aspire vraiment à renouer avec l’attractivité de l’enseignement, il devra d’abord placer la qualité de l’enseignement dans ses priorités en effaçant les irritants qui la maintiennent dans un statut précaire et implacablement contrainte à un reniement de la part des potentiels étudiants..

vigile.quebec tribune libre 9 octobre 2023
 

La méthode de travail au centre du succès scolaire

21 septembre 2023

De toute évidence, la pénurie de main d’oeuvre en éducation occupe la première place dans les manchettes des médias depuis plusieurs semaines. Or, il existe un thème inabordé jusqu’à maintenant et qui pourtant devrait apparaître au sommet des priorités du ministère de l’Éducation, à savoir l’acquisition d’une méthode de travail efficace chez les jeunes.

Loin de moi la prétention de me proclamer tributaire de la possession tranquille de la vérité en ce domaine. Toutefois, mon expérience de quelque trente ans dans ce merveilleux monde de l’éducation m’a permis de découvrir quelques pistes pouvant conduire au développement d’une méthodologie pouvant sauver bien du temps et des énergies aux élèves tout en améliorant leurs performances scolaires.

Premièrement, il est crucial que chacun des élèves aient en leur possession un agenda dans lequel ils indiquent les travaux à réaliser et les sujets d’études à maîtriser, en autant qu’ils n’oublient pas dans leur casier l’outil qui leur permet de ne pas oublier, à défaut de quoi l’agenda ne sera d’aucune utilité.

Ensuite, il est primordial de créer un climat de concentration maximale si l’on souhaite faciliter la rétention des notions vues en classe. Dans cette foulée, les parents doivent collaborer à créer ce climat en aménageant un espace dénué de toutes distractions qui pourraient nuire à la concentration de leur enfant.

Enfin, je suggère que les parents rencontrent leur jeune à la fin de la réalisation de ses travaux et de sa période d’études pour échanger avec lui sur les items qui lui causent problème et l’orienter sur une approche qui pourrait peut-être le sortir de l’embarras.

L’acquisition d’une méthode de travail relève d’un processus qui demande du temps et de la persévérance mais un constat s’en dégage sans le moindre doute, elle contribuera à rehausser le succès scolaire du jeune et, en prime, à améliorer son rendement lorsqu’il parviendra sur le marché du travail.

vigile.quebec tribune libre 19 septebre 2023
Le Soleil (version numérique) 27 mai 2024

Élèves à besoins particuliers: reflet de société?

16 septembre 2023

Sans l’ombre d’un doute, la pénurie de main d’oeuvre que traverse actuellement le monde de l’éducation au Québec serait étroitement liée à la lourdeur de la tâche des enseignants reliée notamment à l’inclusion des élèves à besoins particuliers dans les groupes réguliers. Et, dans cette foulée, s’ajoute la pénurie de main d’oeuvre au sein du personnel spécialisé, tels les psychologues, les orthopédagogues, les travailleurs sociaux, etc, lesquels devraient contribuer à supporter l’enseignant dans sa tâche.

Dans un tel contexte, certains experts avancent l’idée qu’il faudrait isoler les élèves à besoins particuliers, arguant que l’intention qui était avancée en les incluant dans des groupes réguliers était qu’ils puissent être motivés par les élèves plus doués, ce qui manifestement, n’a pas atteint l’objectif visé.

Contexte social

D’entrée de jeu, nonobstant le fait que la présence des élèves à besoins particuliers, qualifiés d’élèves agités à une certaine époque, a toujours fait l’objet de préoccupations dans notre système scolaire, force est de constater que le phénomène s’est complexifié avec le temps. À titre d’arguments à cette complexité, je citerais le phénomène lié au fait que les deux parents se retrouvent fréquemment sur le marché du travail, laissant de la sorte le jeune seul à la maison lors de son retour de l’école. Parallèlement, le jeune emprunte rapidement le chemin des médias sociaux qui convergent inévitablement vers un manque de concentration chez l’enfant, un problème qui risque de se perpétuer à l’école. Sur le plan familial, l’éclatement des familles, évalué à une union sur deux au Québec, a créé le phénomène des gardes partagées qui condamnent les jeunes à vivre dans deux mondes différents où ils sont ballottés souvent par des valeurs opposées véhiculées par les deux parents, sans compter parfois la présence des nouveaux conjoints. Enfin, certains groupes de jeunes développent très tôt l’indépendance aux drogues dont les conséquences de l’abus se répercutent sur leur capacité d’attention sur les bancs d’école.

Choc des valeurs

La pénurie de main d’oeuvre que nous vivons actuellement dans plusieurs secteurs de l’activité humaine contribue à créer un climat où les jeunes à la recherche d’un emploi temporaire se retrouvent rapidement sur le marché du travail sans consentir aucun effort pour obtenir l’emploi de leur choix, ce qui occasionne un choc avec l’école qui a comme mission, entre autres, de développer le sens de l’effort chez les élèves. Par ailleurs, il est reconnu par la plupart des parents et des équipes-écoles que les jeunes, particulièrement les adolescents, se montrent rébarbatifs envers les règles de conduite instaurées par les directions d’écoles, toute forme d’autorité étant rejetée de facto par les ados. Or, du côté familial, il n’est pas rare que les parents démontrent une certaine forme de laxisme eu égard à l’application des règlements établis à la maison, arguant qu’ils préfèrent garder une ambiance de calme à la maison.

Un autre phénomène vient contrecarrer l’essentielle relation entre les parents et les enseignants. Je veux parler du suivi qui doit être établi entre les deux parties dans les cas où l’élève a reçu une sanction pour inconduite, et que le parent se range du côté de son enfant, une attitude démobilisatrice et néfaste pour le jeune.

Éviter l’isolement

De toute évidence, les élèves à besoins particuliers sont le reflet d’une société en constante évolution et ayant perdu ses repères. La marginalisation de ces élèves ne pourrait que contribuer à accroître leur isolement et les enraciner dans des comportements malsains. Conséquemment, il est impératif que la relation école-famille soit appelée à jouer son rôle de courroie de transmission de valeurs communes au sain épanouissement du jeune. Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que l’insertion des élèves à besoins particuliers dans les groupes réguliers soit maintenue. Reste à faire en sorte que le personnel spécialisé puisse arriver en renfort dans les meilleurs délais. Et, pour ce faire, je suggère la mise sur pied de stages de formation intensive à l’égard de ces spécialistes, alliés à des présences en classe sous la supervision des enseignants.

vigile.quebec tribune libre 15 septembre 2023

Les aînés: partie intégrante de la société

12 septembre 2023

On a tous encore en mémoire l’hécatombe des aînés durant la pandémie, laquelle a suscité un tollé de critiques envers les hauts dirigeants. Eh bien, il appert que le scénario tend à se répéter alors que près de 2300 aînés occupent des lits d’hôpitaux inutilement en attendant d’être transférés en Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD), en réadaptation, en résidence pour aînés, en Ressource intermédiaire ou à domicile avec de l’aide adaptée ou des soins palliatifs.

Devant un tel scénario, force est d’admettre que les aînés sont traités comme les parents pauvres du système de santé au Québec. Et pourtant, les personnes âgées ont collaboré activement à la construction du Québec moderne, et ont en tête tout un bagage de connaissances et d’expériences qu’ils pourraient nous faire profiter de bon gré.

D’aussi longtemps dont je me souvienne, j’ai toujours ressenti extrêmement de sympathie pour les aînés, notamment eu égard à leur vulnérabilité omniprésente. Et quand, de surcroît, notre société civile et étatique exploite cette vulnérabilité, je suis forcé d’admettre que nos hauts dirigeants font preuve d’une bassesse indigne des fonctions qu’ils occupent.

Vieillissement de la population

Selon les projections de l'Institut de la statistique du Québec, le quart des Québécois seront âgés de 65 ans ou plus en 2031 et près du tiers, en 2061. Ce vieillissement démographique s'explique notamment par la forte dénatalité qui a succédé aux baby-boomers, ainsi que par une hausse de l'espérance de vie.

D'ici une vingtaine d'années, la société québécoise sera l'une des plus vieilles en Occident. Après le Japon et la Corée du Sud, le Québec figure parmi les sociétés qui connaissent un
vieillissement des plus rapides. En 2011, environ 1 personne sur 6 était âgée de 65 ans et plus. Si la tendance se maintient, ce sera le cas de 1 personne sur 4 en 2031. Toujours en 2011, la proportion d’aînés âgés de 85 ans et plus était de 12 %, alors qu’elle frôlera les 25 % en 2061.

Par ailleurs, il est devenu courant au Québec d’établir une corrélation entre les projections démographiques québécoises et leur incidence sur la fragilité des finances publiques, établissant ainsi un lien direct de causalité entre le vieillissement de la population et l'alourdissement des coûts de santé publique.

À preuve, l'essentiel du discours relatif aux aînés est à peu près obnubilé par le problème singulier de la santé et des coûts qui lui seraient inhérents. Et pourtant, dans les faits, la vaste majorité des aînés de 65 ans ou plus sont autonomes, en bonne santé, engagés dans des activités sociales et sûrement pas le fardeau social et économique auquel on veut bien les associer.

Inclusion sociale des aînés

Au Québec, l’amélioration des conditions de vie, les progrès de la médecine et des soins de santé et l’accès à l’éducation font en sorte que les générations actuelles vivent plus longtemps et en meilleure santé que les générations précédentes. L’accroissement de l’espérance de vie constitue une importante avancée. Une espérance de vie élevée offre de nombreux avantages, tant pour les individus que pour les communautés. Cependant, les perceptions à l’égard du vieillissement ont peu évolué et plusieurs personnes craignent encore de vieillir. Des idées préconçues à l’égard des personnes aînées subsistent et des aînés déclarent encore être ignorés, infantilisés et victimes de préjugés.

En revanche, l’inclusion sociale procure aux personnes aînées un sentiment d'utilité, d'accomplissement et d'appartenance à la communauté. Elle permet aux aînés de demeurer actifs et de continuer à contribuer au développement de la société, selon leurs besoins, leurs préférences et leurs capacités. La participation à la vie sociale favorise l’établissement de liens qui préviennent l’isolement. C’est pourquoi, il est urgent d’agir, notamment par la valorisation des personnes aînées et par la reconnaissance de leur contribution à la société.

vigile.quebec tribune libre 12 septembre 2023

Recréer l’attractivité pour la profession d’enseignant

8 septembre 2023

En date du 5 septembre, 1331 postes d’enseignants et d’enseignantes sont toujours vacants dans le réseau scolaire québécois. Manifestement, cette pénurie de main d’oeuvre alarmante nous envoie un signal clair: l’attractivité pour la profession d’enseignant s’effrite progressivement, voire dangereusement.

Pour bien cerner toute la dynamique de ce phénomène, il m’apparaît primordial de remonter dans le temps pour jeter un coup d’oeil sur les paramètres qui faisaient de la profession d’enseignant un élément essentiel voué à la formation de la jeunesse, les enseignants étant considérés dans cette dynamique comme les pivots du système éducatif. À la suite de ce bref historique, nous allons nous attarder à la profession d’enseignant d’aujourd’hui, et finalement à des pistes de solutions à envisager pour redonner à la profession ses lettres de noblesse.

Historique

Lorsque j’ai débuté mon parcours scolaire en 1953, la plupart des écoles primaires du Québec étaient sous la responsabilité des communautés religieuses dont la vocation première consistait à faire œuvre d’instruction auprès des jeunes. Puis, la relève venant à manquer au sein des communautés religieuses, des laïcs levèrent la main pour poursuivre leur œuvre. En ces temps pas si lointains, l’école québécoise jouissait d’une stabilité à toute épreuve si bien que les jeunes passaient à travers leur parcours scolaire sans trop de heurts, hormis peut-être certains jeunes qui éprouvaient des difficultés à suivre le rythme du groupe, mais à qui des périodes de récupération étaient offertes par les enseignants après les cours de la journée.

En 1964, le Québec est en pleine effervescence. On assiste, entre autres, à la création du ministère de l’Éducation qui ouvre les portes de l’école à tous les jeunes du Québec. La profession d’enseignant bénéficie d’un rayonnement sans demi-mesure. Toute une pépinière de jeunes enseignants ouvrent la porte au savoir aux jeunes avides d’apprendre.

Aujourd’hui

Les temps ont beaucoup changé, particulièrement eu égard au rôle polyvalent qu’est appelé à jouer l’enseignant à titre de responsable d’un groupe d’élèves. Le mode de vie des parents s’est métamorphosé, notamment dû au fait qu’ils se sont placés sur le marché du travail, laissant de ce fait leur enfant seul à son arrivée de l’école chez lui. Conséquemment, l’école traditionnelle dont la vocation première était de communiquer des connaissances à des apprenants, et à faire respecter les règles de conduite établies par la direction de l’école, dut se positionner dans le prolongement du milieu familial, les parents, compte tenu de leur disponibilité réduite, ayant peine à suivre l’évolution de leur enfant, tant sur les plans scolaire que comportemental. De surcroît, les élèves à besoins particuliers ont été intégrés dans les groupes dits «réguliers», alourdissant considérablement la tâche des enseignants, d’autant plus que le personnel spécialisé pour venir en aide aux enseignants se retrouve en pénurie de main d’oeuvre. Enfin, l’arrivée massive d’immigrants au Québec accentue l’adaptation que les enseignants doivent déployer pour s’ajuster à leur culture.

Pistes de solutions

Partant de ces constats pour le moins révélateurs d’une désertion des étudiants inscrits à un baccalauréat en enseignement, les candidats intéressés à la profession d’enseignant sont effrayés par lemanque de personnels spécialisés, rendant leur tâche d’enseignement quasiment impossible. Dans cette foulée, des sessions intensives en psychologie, ortho-pédagogie, travail social, orthophonie doivent être mises sur pied pour assurer le plus rapidement possible l’aide réclamée par les enseignants. D’un autre côté, le programme de français au secondaire doit être revu de façon à y intégrer les notions lexicales, syntaxiques et grammaticales tout au cours du secondaire de façon à éviter le nombre alarmant d’élèves inscrits en sciences de l’éducation qui n’arrivent pas à passer l’examen d’admission.

Enfin, les parents doivent reprendre leur rôle d’appui à l’aide aux devoirs de leur enfant. De plus, ils doivent s’investir en faveur de l’enseignant qui a sévi contre leur enfant au lieu de prendre sa défense tout en ayant bien en tête que l'éducation est un travail collectif. Dans cette veine, un adage africain formule admirablement bien cette assertion: «Il faut tout un village pour élever un enfant.»

vigile.quebec tribune libbre 5 septembre 2023

 

Bienfaits de l’écriture

30 août 2023

Notre société moderne vit à un rythme infernal, envahie par une carence inquiétante en introspection, cette capacité à faire le point sur soi-même, ses aspirations, ses valeurs profondes. L’arrivée en masse des technologies nouvelles, notamment l’intelligence artificielle (IA), est en train de se substituer au cerveau humain qui, rappelons-le, en est le créateur.

Or, l’être humain, particulièrement en ces temps de grands bouleversements sociaux, climatiques, économiques et politiques, se cherche et recherche un espace dans lequel il puisera la latitude nécessaire pour prendre un temps d’arrêt, et faire le bilan de sa vie, à défaut de quoi il court à sa perte.

J’ai passé quelque 20 ans de ma carrière à titre d’enseignant en français au secondaire, embourbé dans les corrections de mes élèves. Toutefois, j’avais un rêve, me mettre à écrire aussitôt la prise de ma retraite. J’éprouvais un besoin urgent de m’élever au-dessus de la mêlée et de découvrir mes véritables repères.

J’ai écrit sur une foule de sujets qui m’allumaient, du roman au théâtre aux contes pour enfants, aux textes d’opinion dans les médias, en passant par des textes personnels qui visaient à définir mes états d’âme du moment présent. Je dirais, avec le recul, que ce sont ces deniers qui m’ont le plus apporté de richesses et de découvertes personnelles.

Quand j’écris, je suis dans une bulle et rien ni personne ne peut m’en sortir. Mes pensées défilent sur l’écran au gré de mon imagination. La complexité, voire les paradoxes du monde moderne n’y ont pas leur place. Seules mes idées intrinsèques y accaparent toute la place. La lecture devient par le fait même un véhicule d’évasion privilégié.

En terminant, j’invite celles et ceux d’entre vous qui envisagez d’écrire sur quelque sujet qui vous anime de passer à l’action, sans fioriture, avec toute simplicité, tout en étant bien conscient que ce ne sont pas les mots compliqués et sophistiqués qui font toute la richesse d’un écrit, mais les mots de tous les jours qui traduisent votre intérieur en toute simplicité.

vigile.quebec tribune libre 29 août 2023
Le Soleil (version numérique) 2 septembre 2023

Une rentrée scolaire perturbée

21 août 2023

Les années se suivent et se ressemblent dans le monde de l’éducation. On a assisté à la période COVID avec son lot d’écueils eu égard à l’enseignement virtuel, et maintenant, la pénurie de main d’oeuvre occupe le haut des préoccupations des syndicats à quelques semaines de la rentrée scolaire. Au moment d’écrire cette lettre, c’est plus de 5 000 enseignants qui manquent à l’appel et ce, en excluant Montréal.

En plus du nombre restreint d’enseignants, les syndicats précisent que la main-d’œuvre est limitée dans les services de garde, chez le personnel de soutien et professionnel. Aux yeux de la présidente de la CSN, Caroline Senneville, il est «difficile d’attirer» mais surtout de «retenir» les personnes qui travaillent dans le milieu de l’éducation.

Personnel non qualifié

Face à un scénario aussi catastrophique, les centres de services scolaires (CSS) en sont arrivés à offrir des postes d’enseignants à du personnel non qualifié, et des postes de suppléants à des élèves de cinquième secondaire qui ont pratiquement le même âge que les élèves dont ils doivent assumer une surveillance efficace…

À titre comparatif, vous est-il déjà arrivé d’imaginer une offre d’emploi dans les médias autorisée par le Service de police ou le Service des incendies de telle municipalité recherchant des policiers ou des pompiers non qualifiés? Une hypothèse tout à fait inimaginable et irréaliste, l’engagement de tels candidats mettraient sérieusement en danger la sécurité des citoyens. Eh bien, il faut croire que le monde de l’enseignement n’a que faire des qualifications légales des futurs enseignants, et des inquiétudes des parents qui craignent pour la qualité de l’enseignement prodigué à leur enfant.

À mon avis, la pénurie d’enseignants qualifiés à laquelle nous faisons face est étroitement liée a une carence systémique d’attractivité chez les futurs enseignants qui assistent à des démissions en bloc en fin d’année scolaire quand ce n’est pas pendant l’année scolaire. Et cette nécessaire attractivité va ressurgir quand la lourdeur des tâches des enseignants, notamment liée à la présence croissante des élèves à besoins particuliers, s’estompera grâce à l’intervention de personnels spécialisés qualifiés.

Effets collatéraux chez les élèves

On dit souvent que l’humeur des jeunes est un signe avant-coureur de la température à venir. Dans cette foulée, qu’on le veuille ou non, le climat tendu qui règne dans une école se répercute sur le comportement des élèves, notamment lorsque ces élèves ont comme enseignant une personne n’ayant aucune expertise pertinente en pédagogie. Les jeunes vont rapidement détecter cette lacune et en profiter pour transformer la classe en terrain de jeux, un tel climat laxiste conduisant à un nivellement par le bas des plus malsains.

L’école est une mini-société où l’information, quelle qu’elle soit, véhicule à un rythme effréné, Ainsi, il en va de même de la remise en question de la compétence d’un tel prof, où du manque de contrôle des élèves de la part de tel autre. Depuis des décennies, le MEQ connaissait la pénurie annoncée d’enseignants, et rien n’a été fait pour pallier ce tsunami eu égard à la lourdeur de la tâche qui se profilait pour les années à venir. Au contraire, la tâche des enseignants s’est alourdie sans coup férir de la part du MEQ… Et aujourd’hui, c’est toute une génération de jeunes québécois qui subissent les conséquences incalculables de ce laxisme éhonté!

Le Journal "Faites la diférence" 21 août 2023
vigile.quebec tribune libre 21 août 2023


 

Les ados, ces incompris

13 août 2023

La crise d’adolescence, voilà une réalité qui cause bien des maux de tête aux intervenants qui sont confrontés aux comportements souvent déroutants de la part des adolescents, notamment les parents et les enseignants. Parmi les manifestations de cette crise, on ne peut passer sous silence le braquage des ados contre toute forme d’autorité qui viendrait brimer leur liberté. Aussi ai-je cru opportun de vous exprimer quelques voies d’accès que j’ai explorées durant mes quelque trente années d’expérience dans des classes de troisième secondaire, et qui pourraient vous permettre d’entrer en communication avec les ados sans coup férir.

Une main de fer dans un gant de velours

Durant ma carrière en enseignement, il m’a été donné de rencontrer sur mon chemin de jeunes débutants qui avaient décidé d’adopter une position d’égalité avec leurs élèves dans l’intention d’établir une relation plus harmonieuse avec eux. En réalité, le contraire se produisait immanquablement, les élèves ayant vite adopté une attitude «amicale» avec leur professeur.

Or, le professeur n’est pas un ami pas davantage qu’un parent envers son enfant. Qu’on le veuille ou non, une ligne infranchissable doit être établie afin d’établir l’autorité indispensable pour créer un climat propice à l’apprentissage ou à l’éducation à la maison. Et pour ce faire, l’enseignant comme le parent doivent intervenir avec une main de fer dans un gant de velours, à savoir avec cohérence et souplesse. En termes clairs, permettre le droit à l’erreur de la part de l’ado.

La mise en évidence des talents

Combien de fois dans ma carrière ai-je entendu un ado se traiter de «poche» et qu’il n’excellait dans aucune activité touchant autant le domaine scolaire que les loisirs. Dans ces occasions, je rencontrais l’élève dans mon bureau et je lui expliquais qu’il était impossible qu’il n’ait aucun talent et qu’il n‘avait qu’à chercher pour arriver à le découvrir.

À titre d’exemple, je me souviens d’un élève démobilisé qui était devenu à la fin de son secondaire un des meilleurs joueurs de badminton de l’équipe qui représentait l’école dans des compétitions interscolaires. Lors du bal des finissants, deux ans plus tard, il m’a remercié pour cette rencontre qui avait changé toute la dynamique de sa vie, notamment sur le plan de la confiance en soi. En bref, je lui avais donné la p’tite tape dans le dos qu’il lui fallait pour se lancer dans la vie.

Garder contact

L’attitude souvent arrogante de certains ados vis-à-vis les personnes en ligne d’autorité, parents ou enseignants, peut inciter les intervenants à adopter parfois la ligne dure et ainsi couper les ponts avec l’adolescent, une position qui ne fera qu’aggraver la situation. Quoiqu’il soit parfois ardu de garder le contact avec l’ado, je suis d’avis que c’est la seule voie qui conduira à la réconciliation.

À cet effet, je me souviens d’une mère qui me racontait, lors d’une rencontre avec les parents, qu’elle était complètement découragée de l’attitude de son garçon qui se rebiffait au moindre de ses conseils. Elle avait adopté le silence pour se protéger. Je lui conseillai plutôt de garder contact avec son ado à défaut de quoi aucun rapprochement ne serait possible. J’ai rencontré cette mère quelques années plus tard . Elle était rayonnante et ne tarissait pas de remerciements eu égard au conseil que je lui avais donné. Sa relation avec son fils avait changé pour le mieux grâce aux compromis qu’ils avaient établis entre eux.

Les ados et les règles de conduite

De tout temps, les ados se sont braqués contre toutes règles de conduite, que ce soit à l’école ou à la maison. À ce sujet, au début de chaque année scolaire, j’avais pris l’habitude d’expliquer à mes élèves les raisons qui justifiaient l’établissement de ces règles, la plus importante à mes yeux étant le respect envers les personnes et les objets.

Ainsi, à la fin des cours, des élèves prenaient l’habitude de lancer des bouts de papier en direction de la poubelle, et bien souvent, le dit papier atterrissait à côté de la poubelle. «Rien de grave, quelqu’un est payé pour le ramasser». «Pas du tout, répondais-je, l’employé à l’entretien ménager est payé pour vider la poubelle, et cet employé mérite le respect au même titre que tout employé de l’école.»

Conclusion

La crise d’adolescence est là pour rester. Toutefois, ses effets peuvent être atténués si, en tant qu’intervenants, nous allons puiser les richesses enfouies dans chacun des ados qui sont des humains à part entière malgré des apparences qui ne sont que temporaires dans leur vie. Aussi faut-il rester en contact avec eux pour le plus grand bien de leur évolution dans la société.

Le plan de match du ministre Drainville

24 juillet 2023

Dans la foulée des résultats désastreux des élèves de cinquième secondaire aux examens finaux de français du MEQ de juin 2022, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a présenté une liste de priorités visant à améliorer l’école québécoise.

Parmi ses priorités, le ministre a fait savoir qu’il souhaite, entre autres, ajouter un deuxième adulte en classe, soit des éducatrices en services de garde, afin d’assister les enseignants qui doivent gérer des classes avec de plus en plus d’élèves aux besoins particuliers.

Le ministre Drainville souhaite de plus instaurer une voie rapide en raccourcissant le temps de formation des enseignants afin de combler la rareté de la main-d’œuvre. Enfin, le ministre veut mettre sur pied des programmes particuliers pour tous les élèves.

Considérations personnelles

Nonobstant l’intention louable d’ajouter une éducatrice en service de garde en milieu scolaire dans les classes ayant des élèves à besoins particuliers dans le but de prêter main-forte à l’enseignant, je ne crois pas que cette éducatrice ait l’expertise nécessaire pour répondre à des cas aussi compliqués.

Par ailleurs, il y a déjà une pénurie de main-d’œuvre dans les services de garde. En réalité, je suis d’avis que la solution se trouve dans la formation et l’engagement de personnel spécialisé pour ce type d’élèves.

En ce qui a trait à l’intention du ministre de raccourcir le temps de formation des enseignants et revenir ainsi à l’époque du certificat, je crains que cette avenue conduise à un nivellement par le bas et qu’elle produise un effet boomerang sur la qualité de l’enseignement.

C’est sans compter la performance désastreuse en français des étudiants en sciences de l’Éducation au dernier test d’admission en français.

C’est un secret de Polichinelle, les programmes particuliers arts-études et sports-études ont été implantés dans le secteur public pour compétitionner les programmes particuliers des écoles privées, ce qui, néanmoins, n’enlève rien aux avantages de tels programmes conçus de prime abord pour les élèves doués qui doivent se plier à une diminution d’heures dans certains cours.

Conséquemment, les élèves à besoins particuliers ne peuvent s’inscrire à ces programmes compte tenu de leurs retards scolaires.

Personne n’est contre la vertu, la vétusté d’un grand nombre d’écoles sur le territoire du Québec est criante. Reste à voir si Bernard Drainville aura une oreille attentive de la part des ministres responsables de gérer les goussets du gouvernement pour procéder à la rénovation et à la construction de nouvelles écoles.

C’est à espérer de la part d’un gouvernement dont le premier ministre a fait de l’éducation sa priorité dès son premier mandat en 2018.

Valorisation du français

En ce qui concerne la valorisation du français dans les écoles du Québec, le ministre Drainville s’est dit fort préoccupé par cet objectif et a déclaré qu’il mijotait, sans les nommer, quelques pistes de solutions. Toutefois, il s’est tout de même prononcé sur l’exigence d’accorder une partie de la note finale à la qualité du français dans les évaluations des disciplines autres que le français, ce avec quoi je suis pleinement en accord.

De plus, et surtout, le gouvernement Legault doit renforcer la loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, en y intégrant l’obligation du français au cégep à tous les francophones et aux nouveaux arrivants.

Enfin, les contenus des programmes de français au secondaire doivent être revus en y intégrant à chaque étape du secondaire les notions sur les mécanismes de la langue, à savoir la grammaire, la syntaxe et le lexique. Et finalement, il est plus que temps que les enseignants ressortent des boules à mites les bons vieux dictionnaires et les bonnes vieilles grammaires.


Le Soleil 22 juillet 2023